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d’armée de Thomas bloqué au fond de la vallée de Chattanooga. Grant accourut, et une attaque vigoureuse rétablit les communications du corps assiégé ; mais ce n’était là qu’une partie de la tâche à accomplir, il fallait chasser Bragg des positions qu’il occupait. Ce fut l’œuvre d’une bataille de quatre jours, du 23 au 26 novembre 1863, dans laquelle l’obstination des fédéraux et leur supériorité numérique triomphèrent de la résistance des confédérés. Ceux-ci furent rejetés dans la Géorgie, et la délivrance du corps de Burnside fut la conséquence immédiate de leur défaite.

Ces nouveaux succès mirent le comble à la popularité de Grant. Le congrès décida qu’une médaille d’or serait frappée pour lui être offerte, mais l’opinion publique réclamait pour lui une autre récompense. Les généraux qui s’étaient succédé dans le commandement de l’armée de Potomac, Mac-Clellan, Pope, Burnside, Halleck, avaient tous échoué devant l’habileté supérieure de Lee : n’était-il pas temps d’opposer à ce redoutable adversaire le seul des généraux de l’Union qui n’eût encore essuyé aucun revers ? Ce mouvement de l’opinion devint d’autant plus irrésistible que la nation, épuisée par les sacrifices de toute nature qui lui avaient été imposés, commençait à être fatiguée de la guerre : le commerce se plaignait d’être ruiné ; des désordres graves s’étaient produits dans plusieurs des grandes villes du Nord et particulièrement à New-York ; le recrutement de l’armée devenait difficile : les volontaires ne se présentaient plus qu’en petit nombre, malgré les primes considérables qui leur étaient offertes et les tentatives pour introduire le tirage au sort avaient provoqué des émeutes. Il fallait en finir : telle était la conviction des partisans les plus clairvoyans de l’Union; il était donc indispensable de mettre à l’épreuve le seul homme qui parût en état de terminer la guerre civile.

Le congrès vota donc, au mois de mars 1864, sur l’initiative de M. Washburne, un bill qui rétablissait en faveur de Grant le poste de lieutenant-général, supprimé à la mort de l’illustre général Scott. Ce titre conférait à Grant le commandement suprême, après le président de la république, de toutes les forces de terre. Ces forces s’élevaient, à ce moment, à près de 500,000 hommes. Grant dut se rendre immédiatement à Washington, et tout le long de la route, il reçut des populations l’accueil le plus flatteur. Les membres du gouvernement le comblèrent de marques de distinction, et aussitôt qu’il fut entré en fonctions, le président Lincoln lui écrivit : « Je désire vous exprimer par cette lettre mon entière satisfaction de tout ce qu’à ma connaissance vous avez fait jusqu’ici. Les détails de vos plans, je ne les connais pas et ne désire point les connaître. Vous êtes vigilant et plein de confiance : cela me suffit :