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passage à travers les troupes fédérales ; mais le reste fut rejeté dans la place, qui capitula le lendemain. Une nombreuse artillerie, des munitions abondantes et 12,000 prisonniers tombèrent au pouvoir de Grant. Ce succès arrivait à propos pour consoler les fédéraux de l’humiliante défaite que l’armée du Potomac avait essuyée à Bull-Run ; la nouvelle en fut accueillie avec transport, le nom de Grant fut dans toutes les bouches, et sa brève réponse au commandant du fort Donelson, qui demandait à négocier une capitulation : « Reddition immédiate et sans condition, » devint légendaire.

Pour achever la conquête de l’état de Tennessee, il restait à s’emparer de Corinthe, où se rencontrent les divers chemins de fer de la région. Grant reçut du général Halleck, commandant en chef des armées de l’Ouest, l’ordre de marcher sur cette ville, sur laquelle le général Buell devait se diriger également avec un autre corps d’armée. Albert Johnston, qui était chargé de la défense de Corinthe, résolut de prévenir la jonction de ses deux adversaires : il se porta au-devant de Grant, surprit les trois premières divisions de son corps d’armée, les mit en désordre et les eût jetées dans le Tennessee, si Grant, arrivant avec sa quatrième division, n’avait rétabli le combat. Secondé par le feu de deux canonnières, il se maintint opiniâtrement sur une éminence, d’où l’ennemi ne put le déloger. Vers le soir, comme Albert Johnston venait d’être blessé mortellement, l’avant-garde de Buell arriva et entra en ligne. Beauregard, qui avait pris le commandement des confédérés, dut ramener en arrière ses soldats épuisés. Le combat recommença le lendemain; mais l’arrivée de Buell, avec 37,000 hommes, rendait la lutte trop inégale, et Beauregard dut abandonner la partie. Les pertes des fédéraux furent énormes, mais ils étaient restés maîtres du champ de bataille, et cette action sanglante eut pour résultat l’occupation de Corinthe et l’évacuation du Tennessee par les confédérés, après une série de petits engagemens.

À ce moment, le général Halleck fut appelé au commandement en chef des armées de Virginie ; le commandement des armées de l’ouest fut donné à Grant. Dès lors, l’objectif de celui-ci fut de se rendre maître de Vicksburg. Cette ville est située sur le Mississipi, un peu au-dessous du point où ce fleuve reçoit l’Yazou : au confluent même se trouve un promontoire qui s’élève presque à pic, Haines-Bluff, que les confédérés avaient garni de formidables batteries. En face de ce promontoire, Vicksburg occupe une position tout aussi forte, et les confédérés en avaient fait leur place d’armes. Elle avait pour eux une importance extrême à divers titres : elle maintenait leurs communications avec les états situés sur la rive droite du Mississipi, l’Arkansas, la Louisiane et le Texas; les batteries