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le 13 septembre 1847, il reçut ordre d’appuyer avec sa compagnie le capitaine Brooks, du second régiment d’infanterie, chargé d’enlever un ouvrage de campagne qui couvrait la droite de l’ennemi. Ce fut une tâche malaisée, et son général de brigade, dans le rapport qu’il adressa au général en chef, s’exprima ainsi sur son compte : « Je ne dois pas négliger de vous signaler le lieutenant Grant, du quatrième d’infanterie, qui, à ma connaissance personnelle, s’est noblement conduit en plusieurs circonstances. » Grant fut du nombre des officiers auxquels le congrès, après la guerre, vota nominativement des félicitations : il rentra aux États-Unis avec le grade de lieutenant en premier et le brevet de capitaine.

Envoyé en garnison à Détroit, puis à Sacket’ Harbour, dans le Michigan, il prit un court congé au commencement de 1848, et vint à Saint-Louis réclamer la main de sa fiancée, miss Julia Dent, qui l’attendait fidèlement. Il emmena sa jeune épouse au camp de Sacket’ Harbour, où elle passa quatre années avec lui. En 1852, elle le suivit dans l’Orégon, où le quatrième d’infanterie était envoyé, en prévision d’une guerre avec l’Angleterre ; mais le différend entre les deux nations ayant été réglé à l’amiable, le régiment fut employé, sur la lisière des prairies, à surveiller les Indiens et à réprimer leurs incursions. Cette existence monotone, dans des campemens improvisés, loin de toute société et comme en dehors de la civilisation, était fort pénible pour une jeune femme. L’avancement est très lent dans l’armée régulière, dont l’effectif ne dépasse pas 20,000 hommes : les occasions de se signaler sont rares, et la profession des armes ne pouvait être considérée comme une carrière d’avenir par un homme arrivé seulement au grade de capitaine à trente-deux ans, et qui avait déjà plusieurs enfans. Grant se résolut donc à quitter l’armée comme avaient déjà fait la plupart de ses condisciples et de ses compagnons d’armes, et le 31 juillet 1854, il envoya sa démission au général en chef.

Il revint à Saint-Louis, où sa femme et ses enfans l’avaient précédé. Qu’allait-il entreprendre ? Créer une ferme comme avaient fait tous ceux qui l’entouraient, comme le faisaient journellement les émigrans des états de l’Est qui venaient chercher fortune dans le Missouri. Il était robuste, endurci à la fatigue ; il avait des bras vigoureux ; il était devenu, par suite de son mariage, propriétaire d’un lot de terre, non loin de Saint-Louis : il défricherait ce terrain, il y établirait sa demeure, il y ferait souche de fermiers et d’éleveurs. Le voilà donc campé, en pleine forêt, pendant l’hiver, comme un simple bûcheron, abattant des arbres pour son compte et celui de ses voisins et allant vendre le bois aux habitans de Carondelet. En même temps, il représentait plusieurs commerçans de Saint-Louis et touchait pour eux leurs factures. Il apprit à ses dépens