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généraux qui servirent plus tard, sous ses ordres, dans les armées de l’Union, et aussi plusieurs de ceux qui combattirent contre lui, G. W. Smith, Bushred Johnson, Mansfield Lovell, et le brillant et intrépide Longstreet. Grant leur était supérieur à tous pour la vigueur physique, pour son adresse à tous les exercices du corps et pour son habileté dans l’équitation, avantages dont il était redevable à son éducation agreste ; mais il arrivait à l’académie avec une préparation insuffisante. La plupart de ses camarades avaient passé par un collège, d’autres avaient suivi des cours préparatoires pendant au moins une année : Grant ne savait guère que ce qu’il avait pu apprendre dans la maison paternelle et par ses lectures. Néanmoins, sur une promotion de près de cent cadets, il parvint, par un travail opiniâtre, à se maintenir dans le premier tiers : il fut même classé le dixième pour les mathématiques et le seizième pour le génie ; son côté le plus faible était la langue et la littérature françaises, est-ce de cet échec relatif que lui vint le peu de sympathie qu’il témoigna toujours pour notre pays? Ses camarades ne voyaient en lui qu’un garçon simple et franc, peu brillant mais plein de bon sens, régulier dans tous les exercices, et ne se plaignant jamais même quand tous les autres criaient contre le régime de l’académie. Traduisant à leur façon les initiales de ses prénoms, ils l’avaient surnommé l’Oncle Sam (Uncle Sam), par allusion à son calme et à la gravité de ses manières, qui tenaient plus de l’homme mûr que du jeune homme.

Tandis que bon nombre de ses camarades échouaient ou abandonnaient volontairement la partie, Grant passa heureusement les examens de sortie, et il quitta West-Point, le 30 juin 1843, après quatre années bien employées. Presque aussitôt, il fut envoyé, avec le brevet de lieutenant en second, au quatrième régiment d’infanterie qui tenait alors garnison dans le Missouri, à Jefferson près de Saint-Louis. Dans cette dernière ville résidait la famille d’un de ses camarades de West-Point, Dent, qui fut son fidèle compagnon d’armes pendant la guerre civile, et dont il devait épouser la sœur; mais il n’était pas possible pour le jeune officier de songer encore au mariage ; la guerre ne tarda pas à éclater entre les États-Unis et le Mexique ; et son régiment fut désigné un des premiers pour faire campagne.

Depuis le combat de Palo-Alto, livré le 8 mai 1847, jusqu’à l’arrivée de l’armée américaine sous les murs de Mexico, le 14 septembre 1847, Grant prit part à tous les engagemens importans qui signalèrent cette guerre : partout il se fit remarquer par sa résolution, par son intrépidité froide et par l’action qu’il exerçait sur ses hommes ; il mérita deux fois d’être mis à l’ordre du jour de l’armée pour sa belle conduite. A la sanglante et décisive bataille de Chapultepek,