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prochaine d’un personnage investi de sa confiance, qui serait chargé de traiter des nombreux détails que soulevaient de telles demandes. Au cours de l’entretien, il exprima la pensée que toute proclamation du roi devait être contresignée par les princes de sa famille, la conformité de sentimens entre ses parens et lui devant donner plus de poids à ses paroles. Le roi lui communiqua la lettre qu’il avait reçue en 1805 du comte d’Artois, à la suite de la déclaration de Calmar et s’engagea à la publier dans une édition nouvelle de cette déclaration, qu’il suppliait le tsar de faire répandre dans l’armée française.

Alexandre à peine parti, le roi lui écrivit lettres sur lettres à son quartier-général, pressant les solutions, réclamant le personnage de confiance qu’on lui avait annoncé, harcelant l’empereur de ses demandes, plein d’espoir dans leur succès, véritablement enivré par un entretien où les deux interlocuteurs avaient parlé comme des victorieux et non comme des vaincus. Son exaltation fût vite tombée s’il avait su quelle fâcheuse impression emportait Alexandre de sa rencontre avec lui. Soit que le spectacle de cet exilé goutteux, lourd, impropre à l’activité du champ de bataille eût mal disposé l’empereur, soit que la pauvreté de son hôte lui eût caché ses mérites, il le jugea comme un homme médiocre et le quitta convaincu qu’il ne régnerait jamais. Après son départ, le roi attendit vainement l’effet de leur entrevue. L’opinion d’Alexandre était faite. Il avait quitté Mitau définitivement résolu à abandonner les Bourbons à eux-mêmes, à ne favoriser en rien leurs projets. Quant à l’hospitalité qu’il accordait au chef de leur maison, il entendait n’y rien changer, le laisser libre d’en profiter ou d’y renoncer. Il ne considérait plus Louis XVIII que comme l’épave d’une grandeur passée, à la résurrection de laquelle il ne croyait plus, encore qu’il restât disposé à l’environner des égards dus au malheur. Aussi, confiant au général de Budberg le soin de répondre aux lettres du prétendant par de banales formules de politesse, il cessa de s’occuper de lui.

D’autres soucis d’ailleurs l’absorbaient. En arrivant au quartier-général de l’armée russe sur le Niémen, il avait pu juger par lui-même d’une situation que, malgré l’évidence, le général de Benningsen s’obstinait à ne pas croire désespérée, mais dont les périls apparaissaient de toutes parts. Les opérations militaires qui allaient s’accomplir constituaient un suprême va-tout, à l’approche duquel Alexandre eut vite oublié le roi de Mitau. En une seule circonstance, il communiqua encore avec lui : ce fut pour lui transmettre une lettre du roi de Suède. Brusquement, Gustave IV appelait à sa cour