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objet de ses pensées. Après en avoir arrêté les grandes lignes, de concert avec son frère, il en rédigea le texte définitif durant son séjour à Blankenfeld. La pièce est éloquente et vaut qu’on s’y arrête. Contrairement à son premier projet, le roi y mit une date (la date du 2 décembre 1804), sans indication de lieu. Il commençait par y rappeler ses précédentes protestations : l’une qu’il avait fait entendre en recueillant « le sanglant héritage de ses pères ; » l’autre écrite après l’attentat de Dillingen[1]. Il exposait ensuite comment, ne pouvant plus compter sur ses agens de l’intérieur réduits à l’inaction, ni sur les puissances, et « ne voyant de terme aux proscriptions, au brigandage, à la dépravation que dans l’excès même de leurs horreurs, » il avait dû, accablé des maux de la patrie, observer en silence la marche des événemens. Rappelant ses divers engagemens, sa promesse de proclamer une amnistie générale et de conserver aux fonctionnaires leurs emplois, aux officiers leurs grades, leurs propriétés aux possesseurs de biens nationaux, il s’écriait : « Français, voilà cette contre-révolution telle que votre roi l’a conçue, tel qu’il l’envisage aujourd’hui, telle enfin qu’elle sera tôt ou tard consommée. » Puis, après un rapide exposé des horreurs de la révolution et des bienfaits de la monarchie, il terminait en ces termes : « Français! au sein de la Baltique, en face et sous la protection du ciel, fort de la présence de notre frère, de celle du duc d’Angoulême, notre neveu, de l’assentiment des autres princes de notre sang, qui, tous, partagent nos principes et sont pénétrés des mêmes sentimens qui nous animent; attestant et les royales victimes et celles que la fidélité, l’honneur, la pitié, l’innocence, le patriotisme, le dévoûment offrirent à la fureur révolutionnaire ou à la soif et à la jalousie des tyrans ; invoquant les mânes du jeune héros que des mains impies viennent de ravir à la patrie et à la gloire ; offrant à nos peuples comme gage de réconciliation les vertus de l’ange consolateur que la Providence, pour nous donner un grand exemple, a voulu attacher à de nouvelles adversités en l’arrachant aux bourreaux et aux fers, nous le jurons, jamais on ne nous verra rompre le nœud sacré qui unit inséparablement nos destinées aux vôtres, qui nous lie à vos familles, à vos cœurs, à vos consciences ; jamais nous ne transigerons sur l’héritage de nos pères ; jamais nous n’abandonnerons nos droits. Français! nous prenons à témoin de ce serment le Dieu de saint Louis, celui qui juge les justices. »

  1. Le 19 juillet 1795, le roi était à la croisée d’une auberge à Dillingen, quand un coup de feu fut tiré sur lui. La balle ne fit qu’effleurer son front. Il en fut quitte pour huit jours de lit.