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vent qui régnait sur la Baltique le contraignit à rentrer au port. C’est seulement dans l’après-midi qu’il put atteindre l’île où s’étaient réfugiés Louis XVIII et ses compagnons. Il trouva le roi de France au presbytère de Resmo, en train de se reposer des fatigues d’une pénible traversée qui n’avait pas duré moins de dix jours. Il convint avec lui que ce prince se rendrait à Calmar le lendemain. Lui-même y retourna sur-le-champ afin d’y préparer la réception, conformément aux ordres qu’il avait reçus.

Le 25 septembre, à huit heures et demie du matin, Louis XVIII débarquait à Calmar. Sur le port il trouva réunis le gouverneur, l’évêque et son clergé, les officiers de la garnison, les anciens de la ville, les magistrats. Ils l’accompagnèrent jusqu’à la maison qu’il devait occuper. Là, ils lui furent officiellement présentés. Pour la première fois, depuis qu’il avait fui sa patrie et qu’il errait, proscrit, sur la terre étrangère, le comte de Lille était reçu avec les honneurs royaux. Cet hommage à sa couronne fut doux à son cœur. Il exprima sa reconnaissance dans la lettre qu’il adressa, toute affaire cessante, au roi de Suède. Le duc d’Angoulême ne partageait pas la demeure de son oncle. Par les soins d’une délicate attention, il était logé dans la maison préparée pour recevoir son père, le comte d’Artois, si ce prince venait à Calmar. Mais y viendrait-il ? On l’ignorait encore ; et cette incertitude se prolongea durant douze jours.

Le roi de France, pendant ce temps, fut l’objet de la plus courtoise sollicitude. Une garde d’honneur, que d’ailleurs il refusa, lui fut offerte. Une musique militaire envoyée à Calmar lui donna des concerts tous les jours. Les hauts fonctionnaires, tour à tour, se firent un honneur de l’inviter à leur table. Lui-même, tous les soirs, tint une espèce de cour. On lui fit visiter la ville, ses environs. Il voulut s’agenouiller sur la pierre commémorative du débarquement de Gustave Wasa en 1521 et de l’intrépidité de ce prince, qui vint, après une longue proscription, arracher son royaume à la domination danoise. Partout, dans ces visites, dans ces excursions, Louis XVIII apportait son affabilité, son grand air et se gagnait tous les cœurs. Il y apportait aussi sa tristesse, car il ignorait toujours s’il aurait la joie de voir son frère.

Enfin, le 6 octobre, quand déjà il commençait à désespérer, un courrier extraordinaire vint à l’improviste lui donner des nouvelles du comte d’Artois. Ce prince, accompagné du marquis de Ségur et de l’abbé de Latil, était parti d’Harwick sur un bâtiment de la marine anglaise, qui devait l’y ramener. Débarqué à Gothenbourg sous le nom de comte de Ponthieu, il avait envoyé aussitôt un courrier à Calmar, afin d’annoncer son arrivée pour le lendemain. Cette nouvelle fit oublier à Louis XVIII ses fatigues et ses angoisses. Quant au