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de Coin du roi et de Coin de la reine. La dispute, en s’animant, produisit des brochures. »

Grimm a raconté la chose plus vivement. « Les brouilleries du parlement de Paris avec la cour, son exil et la grand’ chambre transférée à Pontoise, tous ces événemens n’ont été un sujet d’entretien pour Paris que pendant vingt-quatre heures, et, quoi que ce corps respectable eût fait depuis un an pour fixer les yeux du public, il n’a jamais pu obtenir la trentième partie de l’attention qu’on a donnée à la musique. Les acteurs italiens qui jouent depuis dix mois sur le théâtre de l’Opéra de Paris, et qu’on nomme ici Bouffons, ont tellement absorbé l’attention de Paris que le parlement, malgré toutes ses démarches et procédures, qui devaient lui donner de la célébrité, ne pouvait pas manquer de tomber dans un oubli entier. Un homme d’esprit a dit que l’arrivée de Manelli nous avait évité une guerre civile, parce que sans cet événement les esprits oisifs et tranquilles se seraient sans doute occupés des différends du parlement et du clergé, et que le fanatisme, qui échauffe si vivement les têtes, aurait pu avoir des suites funestes. Manelli est le nom de l’acteur qui joue dans les intermèdes. Nous nous réservons de parler un jour de cette étrange révolution des Bouffons; il y a peu d’événemens qui puissent donner une idée plus juste du caractère de la nation française. »

Le Coin de la reine a naturellement sa description dans le Petit Prophète.

« Et encore qu’il fût obscur, il était occupé par des gens lumineux. Et c’est là que s’assemblent les philosophes et les beaux esprits, et les élus de la nation jusqu’à ce jour; et les réprouvés n’y entrent point, car ils en sont exclus.

« Et l’on y dit le bien et le mal, et le mot et la chose. Et c’est là qu’on entend le mot qui désole les mauvais poètes, et la chose qui fait trembler les mauvais musiciens.

« Et l’on s’y ennuie rarement parce qu’on n’écoute guère, et l’on y parle beaucoup encore que la sentinelle dise : « Messieurs, ayez la bonté de baisser la voix ; messieurs, ayez la bonté de baisser la voix.

« Et l’on n’y fait aucun compte de ce que dit la sentinelle, car on aime mieux converser que d’entendre ce qu’ils appellent chanter. »

Il est difficile de juger les écrits d’occasion. Le meilleur s’en perd avec le sens des allusions qu’ils renferment et avec le refroidissement des passions qu’ils devaient servir. La Lettre de Rousseau sur la musique française paraît un peu pesante à distance, le Petit Prophète un peu léger. Ce dernier appartient à ce genre d’un goût médiocre, la parodie biblique, dont le sel principal consiste dans la division du