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Un journal économiste anglais faisait remarquer cette semaine que plusieurs circonstances avaient concouru récemment à provoquer sur les grands marchés européens une spéculation générale à la hausse, « La chute du cabinet Gladstone, dit-il, a fait disparaître bon nombre des difficultés où était impliquée l’Angleterre. Sa querelle avec la Russie a été arrangée à l’amiable; les obstacles qui entravaient l’emprunt égyptien ont été écartés; la bonne entente avec Berlin a été rétablie; les relations du gouvernement anglais avec l’étranger se sont améliorées. En outre, la guerre franco-chinoise a pris fin; le conflit hispano-allemand pour les îles Carolines a troublé le monde un instant, mais on a vite reconnu qu’il ne pouvait avoir des conséquences bien sérieuses. Aux États-Unis, l’arrangement entre M. Vanderbilt et les compagnies rivales de chemins de fer a frayé la voie à un règlement général de la guerre des tarifs, si funeste aux transactions commerciales. Il apparaissait assuré, il y a peu de jours, que tant que vivrait le vieil empereur d’Allemagne, la paix serait maintenue en Europe. Il est résulté de cette conviction que, presque partout, les vendeurs à découvert, découragés, renonçaient à conserver leurs positions, et qu’au contraire il se formait une spéculation à la hausse. C’est ainsi que la révolution de la Roumélie orientale a surpris toutes les Bourses d’Europe au moment où la situation de place s’y modifiait profondément. Un examen rapide de la cote des fonds étrangers confirme l’exactitude de ces considérations. Les Consolidés se rapprochaient peu à peu du pair; le 4 pour 100 hongrois atteignait presque 82, l’Italien touchait à 96 ; la place de Berlin, avec la nôtre et celle de Londres, se lançait dans une campagne ardente de reprise sur les fonds russes et les valeurs ottomanes. Le Turc atteignait 17 francs. La nouvelle de la déposition du gouverneur turc dans la Roumélie orientale et de l’union de cette province avec la Bulgarie indépendante, tombant sur ces dispositions générales à la hausse, a produit un grand effet de surprise. Pendant les deux premiers jours de la quatrième semaine de septembre, l’émoi a été général. Les fonds russes ont perdu deux points, le Hongrois a reculé vivement à 78.50, l’Italien à 94.50, le Turc à 13.80, la Banque ottomane à 500 francs, le Suez à 2,005, le Crédit Foncier à 1,310, etc. On voyait déjà les troupes turques franchissant la frontière et écrasant les Rouméliotes, les Russes forcés d’intervenir en faveur des frères bulgares, la Serbie et la Grèce se levant pour prendre part aux dépouilles, l’Autriche enfin entrant dans la mêlée et refoulant le Turc en Asie.

La panique toutefois a peu duré. Notre 3 pour 100 n’avait en fait perdu qu’une unité après le détachement du coupon trimestriel. Les acheteurs ont enrayé la réaction et commencé à relever les cours aussitôt que le mot de conférence européenne eut été prononcé.