Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 71.djvu/721

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On n’en est plus du moins aux défis et aux colères qui ont tout compliqué et qui auraient tout pu compromettre. Le malheur a été, en effet, que les Espagnols, dans un premier mouvement d’orgueil froissé, n’ont pu se défendre d’une violente irritation ; ils ont éclaté contre l’Allemagne qui venait les troubler dans leurs droits, les offenser, à ce qu’ils croyaient, dans leur fierté, dans leur patriotisme, et ceux qui accusent aujourd’hui le ministère du roi Alphonse d’avoir paru au début céder à l’entraînement populaire, étaient les premiers à encourager le mouvement, à se faire les complices de la révolte de l’orgueil castillan. On a commencé par s’emporter, et c’était là le danger. Les Espagnols en définitive auraient dû être d’autant plus réservés que la question n’avait rien de nouveau, qu’elle a été depuis dix ans l’objet d’une controverse diplomatique où l’Allemagne et l’Angleterre n’ont cessé de mettre en doute les droits souverains de l’Espagne sur les Carolines. Les ministres espagnols n’ont probablement pas pris tout à fait au sérieux cette controverse plus d’une fois interrompue ; peut-être même, dans leurs conversations, n’ont-il pas toujours attaché une grande importance à ces droits qu’on disputait à l’Espagne : c’est du moins ce qu’on pourrait conclure d’une dépêche qu’un ministre anglais à Madrid, M. Layard écrivait à son gouvernement. Les ministres espagnols ne croyaient pas au danger pour la possession de l’Espagne ; ils n’y ont cru qu’au dernier moment, et ils se sont hâtés de donner des ordres pour l’occupation des Carolines, mais il n’était plus temps ! Les Allemands avaient déjà paru dans l’archipel avec l’intention d’établir leur protectorat ; bientôt ils occupaient l’île de Yap, et c’est alors que la crise a éclaté dans toute son intensité, que la question s’est compliquée tout à coup par l’explosion d’une sorte de passion nationale, à laquelle il eût été peut-être dangereux de résister au premier moment ; c’est alors que les manifestations tumultueuses ont commencé, qu’on a réclamé la guerre contre l’Allemagne, qu’une partie de la population de Madrid s’est portée au palais de l’ambassade impériale, abattant et traînant dans les rues le drapeau de la légation. De sorte qu’en un instant tout s’est trouvé singulièrement aggravé et envenimé ; à une contestation diplomatique sur la possession ou l’occupation des Carolines était venu se joindre ou se substituer ce dangereux incident de l’offense faite au pavillon allemand, — incident qui plaçait le gouvernement espagnol dans une situation délicate et critique.

Ce qu’il y avait de plus essentiel, de plus pressant dans cette situation si soudainement aggravée, c’était sans nul doute de dégager le plus promptement et le mieux possible la question de tout ce qui pouvait l’envenimer en rendant une rupture inévitable. Le ministère du roi Alphonse n’a point hésité à offrir au gouvernement allemand toutes les réparations qui lui étaient dues pour l’offense qu’avait reçue son