Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 71.djvu/713

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peuvent désirer. Tout y est ou à peu près, et une réforme nouvelle du sénat, et la séparation de l’église et de l’état, et la confiscation des biens légalement possédés par les congrégations autorisées, et le service militaire de trois ans, et l’enrôlement des séminaristes, et l’impôt sur le revenu, et l’extension des franchises municipales et départementales, — ce qui signifie sans doute la constitution de la mairie centrale de Paris. C’est avec cette politique, avec ces idées que M. Tolain se propose de fonder ce qu’il appelle la stabilité gouvernementale dans la république des radicaux. Et remarquez bien que sur la liste formée avec ce programme figurent, en effet, des membres du gouvernement, M. le président du conseil lui-même, M. le ministre de l’intérieur ; ils y figurent, il est vrai, avec bien d’autres, sous la toute-puissante protection de M. Tolain, sous l’invocation du même symbole. C’est un amalgame assez bizarre auquel les noms de deux membres du gouvernement donnent une certaine saveur officielle ; mais, bien entendu, la liste de « l’alliance républicaine » n’est pas la seule, et, à côté du comité Tolain, qui se donne des airs officiels, il s’est formé bien d’autres comités qui ont la prétention de représenter toutes les variétés du radicalisme, de l’anarchie, du socialisme et même de la démocratie féminine. Comité central, comité radical socialiste, comité de la presse, comité Clemenceau, comité Maujan, il y en a de toutes les couleurs et de tous les noms. Ils se valent à peu près tous, et ils ne valent guère moins que « l’alliance républicaine. » Ils ne sont pas, à la vérité, toujours d’accord, quoiqu’on ne voie pas bien pourquoi ils se querellent. Ils ont même fini par ne plus s’entendre du tout, par se séparer violemment, en annonçant au monde une scission définitive. Ils ont formé des camps différens, ils opposent programme à programme, candidats à candidats, et c’est ainsi qu’on est arrivé à ne plus compter les listes entre lesquelles la grande ville aura désormais à choisir. Si Paris n’est pas bien représenté, ce ne sera pas la faute des organisateurs de comités, des fabricans de listes et de programmes.

Le résultat sera ce qu’il pourra, ce que le hasard voudra ; mais, dans tous les cassées élections parisiennes sont certainement instructives sous plus d’un rapport. Elles mettent particulièrement en pleine lumière un fait qui se reproduit invariablement dans toutes les provinces, si l’on veut, mais qui nulle part, peut-être, n’est aussi palpable, aussi singulièrement criant qu’à Paris. Le phénomène prend ici, comme toujours, un relief plus saisissant. On a voté le scrutin de liste sous prétexte que c’était « une façon plus large, plus élevée de comprendre la politique, » et, s’il y a une chose évidente, on peut le voir maintenant, c’est que le suffrage universel direct par le scrutin de liste n’est qu’une fiction dérisoire ; c’est que, pour rester dans la vérité, dans la sincérité d’une consultation populaire, le seul système rationnel, sérieux, pratique, serait tout simplement le suffrage par