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Avant que la neige ou le givre
Ne glace votre sang vermeil
Aimez-vous bien ;.. aimer… c’est vivre.
L’amour, du cœur est le soleil.
Mais il existe dans la vie
D’autres devoirs nobles et grands :
Ils sont sacrés, dignes d’envie ;
Je vais en parler, jeunes gens.
L’un est l’amour de la patrie,
C’est le plus beau des sentimens
Ah ! pour notre France chérie
Sachez dépenser vos vingt ans.


Veut-on plutôt des chansons politiques ? Les fournisseurs habituels de nos cafés-concerts connaîtraient bien peu leurs classiques, — et leur métier, — s’ils ne savaient, à l’occasion, faire aussi résonner cette corde. Évidemment, en 1885, il ne faut rien leur demander qui ressemble au Marquis de Carabas ou à la Marquise de Pretintaille, d’abord, par la bonne raison que, si l’on osait l’écouter, personne du moins n’oserait chanter la seconde en public ; et puis, parce que l’on ne saurait s’attaquer à l’ombre d’une ombre. Mais dans telle chanson : N’y a que le curé qui ne l’est pas ; les Mendians noirs ; Voilà comment mes enfans prieront dieu, vous trouverez l’équivalent de Mon Curé, des Capucins, ou des Révérends Pères.


On dit qu’à la chambre on propose
Un’ loi dont le projet impose
À tout curé de prendre part
Au sacrifice d’Abélard,
On en cause sur la grand’ place.
En attendant que la loi passe,
Tout le monde est prêt pour ce jour-là ;
N’y a que l’ curé qui ne l’est pas.


L’accent est plus haineux dans les Mendians noirs :


Oui, le curé souvent fait maigre
C’est pour cela qu’il est si gras ;
Il faut travailler comme un nègre
Pour lui payer de bons repas.


Mais on croirait vraiment entendre Béranger lui-même dans : Voilà comment mes enfans prieront Dieu.


Avec des bras et de l’intelligence
On peut toujours se frayer un chemin ;
Celui-là seul peut craindre l’indigence
Qui n’eut jamais une ampoule à la main.