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Si je tiens au morceau de terre
Qui me produit mon vin là-bas,
C’est qu’il fut témoin des combats
Que nous livrâmes dans la guerre.
………………
Gai vigneron, bon patriote,
Avec le vin, fils du soleil,
Mon chant, par sa joyeuse note,
De mon pays célèbre le réveil.


Mais il ne s’en fait plus beaucoup de cette force, et, celui-là même, je l’ai bien lu quelque part, mais j’avoue que je ne l’ai pas entendu chanter.

Ce sont là quelques-unes des variétés de la chanson de café-concert, et, si j’essaie d’en définir le commun caractère, je ne comprends pas l’indignation qu’elles excitent chez un peuple qui fait profession d’admirer Béranger, — jusqu’à lui dresser des statues. La plupart des refrains du «chansonnier des familles» n’ont rien de moins vulgaire en effet que ceux qui se chantent sur les planches de nos cafés-concerts et dont je viens de donner quelques faibles échantillons. Mieux encore; je sais tel couplet, ou telle chanson de lui que l’on n’oserait jamais, quand bien même la police le permettrait, hasarder devant le public de l’Alcazar ou de l’Eldorado. Et s’il se dégage enfin de son œuvre, non pas sans doute une philosophie, mais ce que l’on appelle une conception de la vie, ce n’en est pas une autre que celle qui fait le fond de la chanson de café-concert.


Le Tout-Puissant, qui doit être un bon zigue,
Veut avant tout le bonheur du prochain.
I’ n’ demande pas que le pauv’ mond’ s’ fatigue,
Et moi j’veux pas être mon prop’ assassin...


Pourquoi ces quatre vers, que j’emprunte aux Feignans, ne seraient-ils pas aussi bien du Dieu des bonnes gens? Mais, dans un autre genre, croyez-vous que ceux-ci fussent médiocrement applaudis à la Pépinière et à la Scala?


Tu réveilles ta maîtresse,
Minette, par de longs cris.
Est-ce la faim qui te presse?
Entends-tu quelque souris?
Tu veux fuir de ma chambrette
Pour courir je ne sais où.
Mia-mia-ou ! que veut Minette?
Mia-mia-ou! C’est un maton.


La langue en est un peu plus correcte, peut-être, ou moins délibérément incorrecte, mais la rime n’en est guère plus riche ou le rythmé guère plus heureux, et l’inspiration n’en est certes pas moins libertine, si même