Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 71.djvu/696

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vexations, certaines rigueurs qui lui semblaient excessives, « qu’en envisageant l’affaire par son côté polonais. » — « Il y a vingt ans comme aujourd’hui, je pensais qu’on peut laisser une grande liberté d’action à l’église dans les contrées de langue allemande; si je suis entré dans la lutte, c’est que j’avais la preuve que, dans certaines provinces, en Silésie, mais surtout dans la Prusse occidentale, on polonisait avec un tel succès sous la direction du clergé que les petits-fils de grands-parens allemands, d’origine allemande, de nom allemand, ne savaient déjà plus qu’ils fussent Allemands, ne savaient plus parler l’allemand et se considéraient comme Polonais. » M. de Bismarck en concluait que son premier devoir est de fermer les portes de l’archevêché de Posen à tout prélat qu’il peut soupçonner de n’avoir pas le cœur très prussien, et qu’il entendait se réserver le droit d’interner où il lui plairait tout prêtre disposé à demander à Dieu dans ses prières la restauration de la république de Pologne.

Les internemens ne lui ont pas suffi, et les ecclésiastiques n’ont pas été les seules victimes de ses ombrageuses inquiétudes. L’Europe a appris avec étonnement que tous les Polonais russes ou autrichiens, domiciliés dans le duché de Posen, en Prusse ou en Silésie, étaient expulsés par centaines et par milliers, qu’on leur donnait tout au plus quelques semaines pour régler leurs affaires et déguerpir, que les journaliers n’étaient pas seuls à s’en aller, que des industriels, des commerçans établis depuis de longues années devaient abandonner subitement leurs fabriques ou leurs magasins. L’Europe s’est étonnée; il lui a semblé qu’on la ramenait de plusieurs siècles en arrière jusqu’au temps de l’expulsion des Maures. Quoiqu’il se soit, trouvé un journaliste allemand pour soutenir que ce n’était pas assez, que les Polonais sujets prussiens devaient être frappés comme les autres et dépossédés de leurs biens, qui seraient vendus aux enchères, le décret de bannissement n’a été approuvé, même en Prusse, qu’avec beaucoup de réserve. On a craint les représailles, et quelques-uns ont pensé que des procédés si barbares étaient à la fois un abus révoltant de la force et un aveu d’impuissance. Philippe II ne chassait que les gens dont il avait peur. Quelque soit le résultat des élections, on verra dans la nouvelle chambre un petit groupe de députés, qui, avec plus d’obstination que jamais, refuseront au gouvernement prussien tout ce qu’il lui plaira de leur demander. On les traitera d’étrangers et ils répondront : « Tant que vous administrerez le grand-duché de Posen comme vous l’avez fait jusqu’à ce jour, il y aura des étrangers parmi vous. »

Si les douleurs polonaises n’intéressent que médiocrement la grande Majorité des électeurs prussiens, l’affaire des îles Carolines les a touchés davantage, et Loki en tirera sûrement parti pour leur prouver que M. de