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VII.
SCÈNE DE TSARDA[1].


Il est tard. La tsarda penche sur l’eau son mur,
Mais ne peut s’y mirer, tant la rivière est sombre.
Le bac reste immobile, à la chaîne, dans l’ombre.
Le monde se repose et le ciel est obscur.

Quel bruit dans la tsarda ! Chants et cris à la ronde.
Le cymbalum frissonne et retentit sans fin.
« Eh ! l’hôtesse ! Fleur d’or ! Apporte-nous du vin
Vieux comme mon aïeul et chaud comme ma blonde !

« Allons, Tsigane ! Ici tout de suite, et dansons !
Que la danse me brûle à son ardente flamme !
Je veux perdre en sautant mon argent et mon âme.
Donc, tu vas nous jouer tes plus folles chansons. »

Mais on frappe à la vitre. — « Holà ! qu’on se’dégrise !
C’est un vacarme affreux. Mon maître veut dormir.
— Qu’il aille au diable !.. Et toi, Tsigane, fais frémir
Ton archet, fallût-il te donner ma chemise ! »

On frappe de nouveau. C’est un enfant : — « Pitié !..
Un peu plus bas !.. Ma mère est malade... ma mère ! »
On fait : « Chut ! » au Tsigane, on boit le fond du verre,
Et tous les gars s’en vont sur la pointe du pied.


VIII.
CHANSON POPULAIRE.


J’ai bu deux flacons de vin vieux.
Dans le village, au clair de lune,
Je danse en diable furieux.

Un cruel souci m’importune.
Gai, gai, Tsigane ! Un air joyeux,
Sous la fenêtre de ma brune.

  1. Taverne.