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Je vais, triste et joyeux, versant
Sur ma lyre, à travers l’orage,
Des fleurs et des gouttes de sang,
Des larmes d’amour et de rage !


II.
À ETELKA.


Vois le Danube, ô bien-aimée,
Étreignant cette île en son cours.
Telle, en mon cœur, ô mes amours,
Ta pure image est enfermée.

Vois, trempé dans le flot grondeur,
Ce rameau vert que je balance ;
Et laisse la verte espérance
Se glisser de même en mon cœur.


III.
MA FEMME ET MON SABRE.


C’est la nuit. Le pigeon se tient au bord du toit,
Et, là-haut, dans le ciel, brille une étoile amie.
Ma charmante repose, en mes bras endormie…
Dieu ! si je l’embrassais, comme j’en ai le droit.

Je veux, — oui, je le puis, — la tirer de son rêve,
Voir s’ouvrir ses beaux yeux alanguis de sommeil
Et lui tenir tout bas ces propos du réveil,
Qu’interrompt le baiser, qu’une caresse achève.

Joie infinie ! Amour incessamment accru !
Bonheur doux et brillant comme une perle claire !..
Mais mon vieux sabre, à qui cela semble déplaire,
De son coin nous regarde et prend un air bourru.

Qu’as-tu donc, animal ? Est-ce que tu me blâmes ?
Ne puis-je pas serrer ma mie entre mes bras ?
Camarade, ceci ne te regarde pas.
Homme, tu n’entends rien aux affaires de femmes.