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d’autres qui moururent alors en défendant les blancs. Piétri propose surtout à son pays d’accomplir « une œuvre. d’humanité et de civilisation, en appelant à la vie laborieuse et à la liberté des peuples qui sont aujourd’hui à la merci de quelques aventuriers sauvages. » Jamais chef d’armée n’a tenu un langage plus élevé que Borgnis-Desbordes dans son discours de Bammako à l’occasion de la pose de la première pierre. « Ce que nous savons, c’est que le Malinké est doux, malléable, communicatif, qu’il accepte notre autorité sans arrière-pensée. Quant au Bambara, vous avez tous vu, comme moi, le courage dont il a fait preuve à Daba; les chefs se sont fait tuer à leur place de combat, et le courage militaire n’est-il pas la pierre de touche des nations ? Vous avez constaté leurs cultures soignées, leurs habitations mieux entendues, supérieures à celles du Fouta ou de Saint-Louis... Ne saurions-nous rien faire de ces populations que la religion du Prophète n’a pas figées dans une immobilité sans remède? » Une nation comme la nôtre peut être fière de trouver de tels hommes pour appliquer ses principes aux races barbares, et elle peut leur confier, non-seulement le soin de sa gloire militaire, mais aussi son honneur de nation civilisée.

Depuis le refus des crédits, les forteresses, le chemin de fer, l’armée du Sénégal, ont prouvé leur utilité en donnant des résultats. Ils ont constitué pour leurs défenseurs, dans les futures discussions parlementaires, le meilleur dossier. Quand la question reviendra devant les chambres, — et elle ne peut manquer de revenir prochainement, — les faits eux-mêmes se seront chargés de réfuter les objections, de calmer les appréhensions, de dissiper les fantômes, de justifier les espérances. M. Borgnis-Desbordes disait, quand les salves de ses obusiers saluaient la première pierre de la forteresse de Bammako : « Le bruit que font nos petites bouches à feu ne dépassera pas les montagnes qui sont à nos pieds, et cependant, soyez-en convaincus, on en entendra l’écho bien au-delà du Sénégal. » Cet écho finira bien par arriver à la chambre pour lui rappeler la grande œuvre qu’elle a laissée en souffrance là-bas. Il faut espérer qu’une victoire parlementaire viendra couronner et confirmer les victoires militaires et économiques obtenues en Afrique, et alors, ainsi que le disait encore le fondateur de la première ville française sur le Niger, « de nouveaux succès répondront à de nouveaux efforts. »


ALFRED RAMBAUD.