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avaient fourni des guerriers pour l’attaque; mais celui qui s’était montré le plus ardent, c’était Daba. Se sentant compromis sans rémission, les chefs du tata firent préparer le couscous chez eux et dans tous les villages de leur obéissance, appelèrent à eux tous les hommes valides et se proposèrent même de se porter sur le Baoulé au-devant de la colonne. On ne leur en donna pas le temps. Le 16 janvier, au matin, on arriva en vue de Daba. Le capitaine Piétri essaya de faire entendre raison aux insurgés et s’avança tout près des remparts : il fut salué d’une fusillade, et son interprète, un brave noir, caporal de tirailleurs, fut tué à ses côtés. Une heure après, l’artillerie ouvrait le feu, bombardait le tata et ouvrait, dans l’épaisse muraille d’argile, une brèche de 10 à 11 mètres. A dix heures et demie, soldats de marine et tirailleurs se lancèrent à l’assaut. Le capitaine Combes sauta le premier dans le village ; les défenseurs, un moment dispersés par le feu de l’artillerie, revinrent en nombre, et une lutte terrible s’engagea. Elle dura une heure. Le vieux chef Naba fut tué avec 23 membres de sa famille et la plupart de ses guerriers. On reprit les deux pierriers et les deux espingoles, volés à la mission Gallieni, et dont la présence à leurs remparts avait inspiré tant d’audace aux assiégés. La prise de Daba nous avait coûté 3 morts et 47 blessés. On évacua les blessés sur Koundou, on acheva la destruction des bandes et la pacification du pays. Ouoloni, Guinina, Dio, tous les villages qui s’étaient compromis dans l’attaque sur la mission Gallieni, implorèrent leur pardon ; ils rendirent des pelles, des pioches, des scies, des fusils, des lames de sabre, des boîtes à musique ; ils payèrent de lourdes amendes en riz, couscous, arachides, bœufs, chèvres, et reconnurent le protectorat français.

On reprit la marche sur le Niger. Le 1er février 1883, on arrivait à Bammako. On fut accueilli avec enthousiasme par le parti bambara ou idolâtre, qui avait pour chef un certain Titi, avec réserve par le parti maure ou musulman, qui avait à sa tête Tiékoro, Sidikoro et Karamacobilé. Le colonel essaya de se concilier ceux-ci ; il leur rappela que toute puissance vient de Dieu, que le musulman doit accepter le fait accompli, et leur fit jurer, sur le Koran, fidélité aux Français. Le 7 février, commença la construction du fort de Bammako.

La rapidité de nos opérations avait déconcerté Samory, qui lui-même comptait mettre la main sur la ville. Bientôt on apprit la marche de son armée, sous les ordres de son frère Fabou. On eut la certitude qu’il était appelé par les chefs maures de Bammako : un fils de Tiékoro conduisait les envahisseurs. Le colonel n’hésita plus : Tiékoro et Sidikoro furent arrêtés; Karamacobilé, moins