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étendue, qu’on ne peut songer à faire remonter de navires au-delà. Autant dire que ce fleuve n’a réellement pas d’embouchure dans le golfe de Guinée et que son bassin moyen et supérieur est fermé à la marine européenne.

Pour atteindre ce bassin, qui est dix fois plus vaste que le bassin inférieur, officiellement occupé par les Anglais, il faut suivre les traces des plus anciens voyageurs, c’est-à-dire remonter le Sénégal ou la Gambie. Les Anglais ont essayé par la Gambie aussi bien que par la côte de Sierra Leone, mais ils sont encore loin de compte. La vraie route est le Sénégal, car la partie navigable du Sénégal n’est séparée du haut Niger, également navigable, que par une distance d’environ 500 kilomètres. Or, cette route, la vraie route du Soudan, elle est à nous.

C’est encore au gouverneur Faidherbe que revient l’honneur d’avoir montré la voie. Dès le 7 août 1863, il écrivait à Mage, lieutenant de vaisseau, qu’il chargeait d’une mission près d’Ahmadou (forme sénégalaise de Ahmed), sultan de Ségou : « Votre mission consiste à explorer la ligne qui joint nos établissemens du Haut-Sénégal avec le Haut-Niger et spécialement avec Bammako qui paraît le point le plus rapproché, en aval duquel le Niger ne présente peut-être plus d’obstacles sérieux à la navigation. » Le gouverneur, précisant davantage sa pensée, indiquait dans l’avenir l’établissement d’une ligne de postes, espacés de 30 en 30 lieues.

Mage rapporta de Ségou un traité qui, d’ailleurs, resta lettre morte, et un très beau livre qui fit connaître avec la dernière précision le pays qui était notre objectif. L’attention du public et du gouvernement était ailleurs : durant près de vingt ans, on ne donna aucune suite aux projets de M. Faidherbe.

Cependant le héros de Médine, rappelé en France dans le suprême danger du pays, était devenu le héros de Pont-Noyelles, de Bapaume, de Saint-Quentin. La France se relevait lentement, mais ses malheurs semblaient lui avoir infusé un esprit nouveau d’initiative. Le 12 juillet 1879, dans un rapport au président de la république, M. de Freycinet, alors ministre des travaux publics, indique deux voies par lesquelles la France peut atteindre le Soudan. Alors se pose la double question du chemin de fer transsaharien et du chemin de fer sénégalais, de Médine à Bammako. Après le désastre de la mission Flatters, le premier projet, dont le siècle actuel ne verra sans doute pas la mise à exécution, est abandonné. Dès 1879, le second projet avait été signalé par l’amiral Jauréguiberry, ministre de la marine, comme étant « d’une réalisation infiniment moins laborieuse. »

Étudiée de plus près, la question des communications à établir