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M. Faidherbe, surchargeant les soupapes de sûreté à faire éclater les machines de ses bateaux à vapeur, parvint à remonter les rapides du Sénégal et à jeter sur la rive du fleuve, en vue de Médine, les 500 hommes qui formaient toute l’armée de secours.

Cette année 1857 est mémorable dans l’histoire de la colonie. Il fut établi pour toutes les peuplades, musulmanes ou païennes, sur le Sénégal aussi bien que sur le Niger, et dans toutes les contrées où le nom français pouvait être connu, ne fût-ce que par des légendes, qu’il n’était pas au pouvoir d’une armée indigène, si formidable qu’elle fût, de prendre la moindre des forteresses françaises. Fût-elle aussi aguerrie et aussi bien équipée que celle d’El-Hadji, fût-elle conduite par un envoyé d’Allah, elle se briserait toujours devant les remparts abrités du drapeau tricolore. C’est là une conviction enracinée si profondément dans l’esprit des indigènes que pas une seule fois, depuis 1857, on n’a attaqué sérieusement une de nos forteresses, quelque aventurée que fût sa position. Il semble que le prestige de nos postes soit fait du prestige même du prophète qui avait si misérablement échoué devant Médine.

Une autre conséquence de la victoire de Médine, c’est que dès lors El-Hadji évite avec plus de soin que jamais les régions soumises à notre influence. Il disparaît pour ainsi dire de notre horizon, d’ailleurs assez limité à cette époque. Il va guerroyer contre les païens du Bélédougou, du Kaarta, contre les états musulmans du Massina et du Ségou. En trois ans, toutes ces régions sont conquises ou dévastées ; ses bandes courent jusqu’à Tombouctou, qui est saccagé ; il établit à Ségou le siège d’un empire très vaste, mais qui dès lors est menacé dans toutes ses parties, ou par la résistance des races vaincues, ou par l’ambition des membres de sa famille. C’est au milieu de cette mêlée confuse de peuplades et d’intrigues que, vers l’année 1865, le prophète termine mystérieusement sa carrière. Refoulé dans le Massina par un soulèvement des Bambaras, assiégé dans Hamdallahi, trahi peut-être par un de ses neveux, Tidiani, aujourd’hui un des rois du Massina, il paraît qu’il s’illustra par une défense héroïque. Réduit aux extrémités, mais voulant ne pas paraître violer la loi divine qui défend au croyant d’attenter à ses jours, il s’assit sur un baril de poudre, et l’un de ses derniers fidèles y mit le feu. C’est à Hamdallahi qu’il périt, mais c’est à Médine, par la main de Paul Holle et de Faidherbe, qu’il avait été frappé à mort.

A partir du siège de Médine, nous n’avons plus, sur la rive gauche du Sénégal, à combattre pour l’existence. La lutte se trouve réduite aux proportions des petites guerres locales.

Dès 1856, M. Faidherbe a commencé la conquête du Cayor. C’est