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bâtiment de guerre d’entrer dans le fleuve; — établissement de coutumes nouvelles pour prendre de l’eau et du bois... — enfin, préalablement à tout pourparler, le gouverneur Faidherbe sera renvoyé en France ignominieusement.


Les Maures étaient admirablement organisés pour une guerre de razzia ; ils avaient des chevaux de race arabe, infatigables ; très sobres eux-mêmes, durs à la fatigue, ils ne surchargeaient pas leur monture de vivres et d’objets de campement. Ils étaient armés de fusils à pierre; mais ceux-ci éclataient souvent, si bien que beaucoup de guerriers sont estropiés aux mains et aux bras. Les Maures ont un genre de bravoure qui leur est particulier. Comme leur vie, c’est le pillage, leur point d’honneur consiste à piller sans être tués ni blessés. Si un noble trarza est tué à l’ennemi, c’est un déshonneur pour sa famille.

C’est avec ce singulier adversaire que commença sur toute la partie du fleuve qui baigne les pays maures, c’est-à-dire jusqu’auprès de Bakel, une lutte de chaque jour. Le récit de ces combats rappelle un peu ceux de Tite Live sur les premières guerres des Romains contre les Èques, Sabins, Volsques, dont les trophées étaient surtout des gerbes de blé et des troupeaux, et qui se renouvelaient à chaque printemps, à chaque moisson :


Le 2 février 1856, notre allié, Fara-Penda, alla enlever, à l’extrémité du lac Cayor, 800 moutons aux Ouled-el-Fari ; il tua quelques Maures et eut un homme tué et un homme blessé. Le même jour, des Peuhls du Toro, du Dimar et des volontaires de Podor enlevèrent 350 moutons aux Braknas, sur la rive droite. Le lendemain, M. le sous-lieutenant Bénech, avec une partie de la garnison de Podor et des laptots (matelots) du Basilic, prit et brûla un camp de Ktibats, sur la rive gauche. Le 7 février, 400 volontaires de Saint-Louis enlevèrent, au marigot des Maringouins, 600 moutons aux Loumag. Enfin, le 28, Fara-Penda, avec ses hommes seuls, alla faire une nouvelle razzia qui réussit; il ramena 700 moutons, des ânes, des chameaux et dix prisonniers ; il avait tué plusieurs Maures et n’avait éprouvé aucune perte.


Cette citation suffira pour donner une idée de cette guerre. Sans doute, à plusieurs reprises, des colonnes françaises passèrent sur la rive droite; mais les rois maures, si fanfarons à distance, n’attendaient jamais nos soldats : notre approche, la seule nouvelle de notre approche, suffisait pour que des armées de cavaliers s’évanouissent dans les profondeurs du désert. Ces campagnes étaient pour nos soldats infiniment pénibles, plus rudes même que les