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LE JEUNE PREMIER
DE LA
TROUPE DE MOLIÈRE

CHARLES VARLET DE LA GRANGE.

S’il fallait en croire l’optimiste et naïf Chappuzeau, l’auteur du Théâtre françois, il n’y aurait jamais eu non-seulement artistes plus parfaits, mais grands seigneurs plus magnifiques et, en même temps, bourgeois plus réguliers que les comédiens sous Louis XIV. Il les montre exempts de jalousie, presque d’amour-propre, combinant leurs efforts avec l’unique souci des plaisirs du public et de l’honneur de la troupe, se prodiguant mutuellement les égards d’une politesse cérémonieuse, généreux et sans morgue avec les auteurs, enfin et surtout de mœurs irréprochables, ou peu s’en faut, les femmes aussi bien que les hommes. Tous ces éloges mettent en défiance : on se dit que les comédiens ont mérité rarement d’être peints avec des couleurs aussi flatteuses; à peine si ceux de nos jours, qui ont, comme l’on sait, entièrement rompu avec l’antique bohème, seraient dignes de cette admiration sans réserve. Et, en effet, si, pour sortir des généralités, on consulte d’autres témoins que Chappuzeau, les faits viennent en foule rompre l’harmonie idéale vantée par le complaisant panégyriste. Dans la seule troupe de Molière, on n’était pas si parfait que cela. Si le chef est