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le considèrent comme une pure variété de bail à ferme, avec cette seule différence que le fermage se paie en argent. C’est de ce point de vue que semble l’envisager l’ensemble de notre législation. Même à se renfermer dans cette définition contestable, le métayage paraîtrait encore un arrangement fort convenable dans toutes les situations où le manque de capitaux et la difficulté de trouver des fermiers solvables ôtent au bail payé en argent la sécurité nécessaire pour l’acquittement de la rente et l’avantage d’un revenu plus élevé. C’est à ce point de vue du louage que se plaçait un agronome célèbre, M. de Gasparin, lorsqu’il affirmait que le métayage s’établit quand le tenancier n’a pas un capital ou un crédit suffisant pour garantir le paiement de la rente et les avances du propriétaire ; alors celui-ci « prélève cette rente par parties proportionnelles sur la récolte de chaque année, de manière que la moyenne de ces portions annuelles représente la valeur de la rente. » Mais en vérité une telle interprétation ne représente qu’un côté et non le principal de cette collaboration, et voit-on beaucoup les intéressés faire tous ces calculs compliqués ? Si on les consultait, ne donneraient-ils pas plus volontiers les mains au système qui reconnaît dans le métayage un contrat de société ? C’est cette idée essentiellement économique de « l’association » qu’a fait ressortir M. Troplong, et que M. Méplain adopte dans son Traité du bail à portion de fruits. Nous croyons donc qu’il y a tout avantage à faire rentrer l’exploitation à mi-fruits dans l’article du code qui définit la société un contrat « par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre une ou plusieurs choses en commun dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter. » C’est d’ailleurs sur cette définition que plusieurs tribunaux ont appuyé leurs arrêts dans des questions de métayage. On ne peut que louer les plus récens défenseurs de ce régime d’avoir adopté franchement cette interprétation, et d’avoir fait de l’association le point de départ de leur apologie, fût elle un peu excessive, au nom de l’union des classes. C’est le côté qu’avait déjà fait valoir M. Le Play. Union des classes ! Ce dernier mot irrite ; il effarouche la pruderie démagogique ; il n’y a plus de classes, dit-on ; elles sont confondues dans l’égalité civile et politique. Soit ; mais il ne faut pas jouer sur les mots. N’existe-t-il donc plus de catégories déterminées, hiérarchisées, quoi qu’on fasse, par l’inégalité des conditions, de la fortune et de l’éducation ; et ne les retrouve-t-on pas dans les campagnes ? Veut-on que la plus aisée, la plus instruite, celle qui possède la terre, et cette autre catégorie qu’il faut bien appeler inférieure, se rapprochent, s’entr’aident, et que la première serve à élever le niveau de la seconde ? Il se trouve certes de plus dangereux projets que cette prétendue tentative de