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pour les fermiers d’agréables et saines habitations, d’excellens bâtimens de ferme, comme ils bâtissent pour les ouvriers ruraux des cottages avec jardins qui peuvent devenir leur propriété moyennant un loyer modéré. Mais, à côté de ce fermage amélioré qui reste un peu trop fréquemment à l’état de desideratum, y a-t-il des motifs qui permettent de croire que l’exploitation par métayers ait perdu ses raisons d’être et toute possibilité d’amélioration? Un certain retour à ce régime perfectionné ne pourrait-il être la contre-partie de ce qu’il y a eu de précipité et d’extrême dans la désertion qui a signalé ces quarante dernières années surtout? C’est à l’enquête et aux divers travaux qui ont été dirigés dans le même sens que nous demanderons les élémens de la réponse qu’il convient de faire à cette question.


II.

On doit s’attacher à dégager de l’enquête, parmi les motifs de maintenir ou d’augmenter le métayage, ceux qui lui attribuent une valeur propre, et ceux qui le recommandent seulement au nom de circonstances locales. Ces dernières causes peuvent n’être que transitoires, comme elles peuvent aussi ne pas l’être ; il y a, en effet, dans le climat et dans la nature des cultures, des raisons qui peuvent recommander ce système d’amodiation d’une manière durable. La question pourrait se poser pour des régions entières, notamment dans le midi. Il importe toutefois de faire remarquer que la plupart des critiques qui atteignent le métayage ont un caractère général, c’est à sa justification plus générale aussi que doit tendre un document qui l’examine dans son fond en même temps que dans ses applications. On doit du reste reconnaître que tous les théoriciens ne l’ont pas condamné. C’est ainsi qu’au moment de la plus forte réaction contre le régime d’exploitation à moitié fruits, Sismondi n’hésitait pas à y montrer une des institutions « qui ont le plus contribué à répandre le bonheur dans les classes inférieures, à porter la terre à son plus haut degré de culture, et à y accumuler le plus de richesses. » Tout en attribuant aux barbares cette combinaison qu’il appelle « une des plus heureuses inventions du moyen âge, » auquel il est en réalité fort antérieur, le même économiste[1] insistait avec raison sur des côtés qui sont loin d’avoir perdu tout leur à-propos : « Le paysan a peu ou presque point de capitaux; le maître lui remet une terre ensemencée et en plein rapport... Le métayer se trouve débarrassé de

  1. Nouveaux Principes d’économie politique, liv. III. ch. V.