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et la direction d’une propriété composée de plusieurs métairies, ou même d’une seule, peuvent devenir impossibles, surtout si l’incurie ou la répugnance pour ce qui touche à l’agriculture vient s’y joindre, car il est rare que, pour le possesseur du sol, le métayage prenne l’homme tout entier. Mais quoi ! on allègue que les métayers, en l’absence du maître, peuvent devenir infidèles, routiniers, ne disposer des cultures que dans le sens de leurs convenances personnelles, et quoi de plus simple, dès lors, que de prendre un fermier, un chargé d’affaires commode, qu’on tient par la brièveté du bail? Désormais on n’a plus qu’à attendre, les bras croisés, un revenu fixe. — On peut même avoir la chance, parfois, de voir ce revenu s’accroître, tant que la propriété a pour elle le vent en poupe, c’est-à-dire les circonstances économiques favorables. N’est-ce pas là notre histoire? Et, puisque nous faisons la part des responsabilités de la propriété, n’avons-nous pas encore quelques traits à y ajouter? Nous ne sommes pas injuste pour les améliorations que le sol lui doit depuis quarante ans ; nous reconnaissons aussi quelles ont été ses difficultés et ses charges. Mais a-t-elle usé de la période des hauts fermages aussi bien qu’elle aurait pu et dû? Et, puisqu’elle prenait cette résolution d’abandonner en des cas nombreux le métayage sans raisons agricoles suffisantes, a-t-elle fait tout ce qu’elle pouvait pour donner au fermage lui-même tout ce qui pouvait en faire un moyen de production réellement plus puissant et plus efficace que ce qu’il remplaçait? En définitive, qu’avons-nous vu? La propriété a largement usé de la faculté d’augmenter les fermages que lui donnait la concurrence des preneurs. Elle s’est morcelée en plusieurs fermes. Il ne s’agissait pas là de perfectionner la culture, mais d’accroître simplement le revenu par la sous-location de fermes multipliées souvent à l’excès, mais louées plus facilement et plus cher. Spéculation licite, je le veux bien, mais qui a augmenté le nombre des preneurs sans accroître leur capital d’exploitation. D’une façon parallèle, les marchands de biens divisaient les domaines pour la vente. Ainsi, la grande culture, qui a sa place en France, recevait de nouvelles atteintes. On ne peut même ignorer quelques moyens assez singuliers mis en œuvre, pour imposer au fermier un supplément de tribut, des propriétaires se faisaient payer par le fermier entrant, comme simple don de joyeux avènement, ce qu’ils appelaient, en des termes qui ne sont pas précisément empreints de noblesse, du nom de gants ou épingles, demandant une année en sus du fermage, et cela à l’entrée même, au moment où le fermier avait besoin de toutes ses avances. Tant qu’a duré cette plus-value des fermages, les preneurs n’ont guère cessé de se plaindre que la perspective d’une augmentation, même légère, de