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pour corollaire une agriculture avancée et florissante ; les mauvaises conditions dans lesquelles il était trop souvent établi le préparaient mal à la lutte contre les causes de souffrance, et il est à croire que, avant ces temps désastreux, beaucoup retombèrent dans les rangs d’un métayage encore plus infime ou même du prolétariat agricole.

Les choses prennent un tour tout différent après la révolution, et le métayage, en perdant ses appuis factices, perd aussi une partie de sa force, tantôt par suite d’heureux progrès en liberté et en richesse, tantôt par une conséquence d’entraînemens que nous n’hésiterons pas à qualifier de regrettables. On ne peut que se féliciter de la liberté de mouvemens rendue aux transactions, qui permettaient aux intérêts de s’arranger entre eux au gré de leurs convenances réciproques. Un des actes de la législation nouvelle fut d’abolir le métayage emphytéotique qui retenait par force beaucoup de paysans dans les liens d’un contrat qu’atteignait la prohibition des baux perpétuels. Des arrêts judiciaires détruisirent dans une forte mesure ce qui restait de cette sorte de métayage, moyennant des indemnités évaluées par les tribunaux pour racheter et solder les droits résultant de titres positifs. M. de La Tourdonnet constate néanmoins que les métayers emphytéotiques qui avaient conservé des titres authentiques résistèrent à la suppression de l’ancien métayage, et déclare en avoir connu dont les titres ou les droits remontaient au règne de François Ier ; ils s’étaient ainsi succédé sans interruption de famille pendant plus de trois cents ans: des faits analogues ont été signalés dans la commission mixte chargée de préparer l’enquête. Toutes les sortes de propriété, tous les systèmes d’amodiation gagnèrent à l’affranchissement de la terre. Tandis que la petite propriété, émancipée des dernières servitudes féodales, s’accroissait par la quantité des terres de la noblesse et du clergé mise à la disposition des acquéreurs de biens nationaux et devenait accessible à bon nombre d’anciens métayers et d’ouvriers ruraux, le même mouvement se faisait vers le fermage, non moins favorisé par l’élan donné à la richesse, au travail et à l’épargne dans les années de paix qui suivirent le premier empire. Mais le but fut dépassé par suite de causes qu’il n’est pas impossible de découvrir pour les métayers et aussi pour les propriétaires, causes profondes qui tiennent à l’histoire morale et sociale de notre temps.

Disons-le avec une entière franchise : tout ne doit pas être mis au compte du progrès dans cette évolution. Beaucoup de métayers sortirent des rangs sans être suffisamment préparés à franchir ce degré de l’échelle. Ils prirent leur désir qu’excitait la vue du voisin pour