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REVUE DRAMATIQUE

Odéon : Venceslas, l’École des vieillards. — Comédie-Française : Don Juan d’Autriche.

Rotrou et Casimir Delavigne, ces deux noms rapprochés étonnent. Dieu sait que je suis innocent de toute intention de parallèle ! Mais, dans cette demi-saison où les directeurs de théâtre n’espèrent que des recettes médiocres, ces deux revenans ont paru. Ne peut-il pas arriver, si l’on feuillette un album historique de l’armée française, qu’on s’écrie : « Voici Bassompierre ! » et aussitôt après : « Voici un officier de la garde nationale ! » Il ne s’agit pour cela que de passer un certain nombre de pages. Rassembler Venceslas et Don Juan d’Autriche, c’est prendre, en quelque manière, l’art dramatique français par les deux bouts. Et pourquoi pas ? Nous sommes trop accoutumés peut-être à ne regarder que l’entre-deux ; nous ne connaissons plus l’inventaire de nos richesses nationales ; parmi les joyaux de notre couronne, il nous suffit à l’ordinaire de regarder quelques bijoux parfaits, œuvres de lapidaires et d’orfèvres qui nous paraissent divins. Les pierres en sont toutes pures, la taille et la monture assez belles pour mériter d’être nommées classiques ; est-ce une raison pour que de vieux brillans travaillés et sertis avec un goût moins sûr n’aient pas encore leur prix ? Quelle solidité visible ! quelle limpidité ! quel éclat ! .. C’est pour Rotrou, au moins, que je file cette métaphore : les vers de Venceslas, voilà mes vieux brillans. Mais, à l’autre extrémité de la vitrine, dont le milieu est occupé par les chefs-d’œuvre que l’on sait, pourquoi ne pas souffrir, accommodée avec soin à la mode de 1835, une parure d’améthyste ? Ce sera Don Juan d’Autriche.

Venceslas à l’Odéon ! De bonne foi, cette annonce, à la dernière page d’un journal parisien ou sur une colonne des boulevards, n’a rien qui séduise l’oisif en quête d’un divertissement. Un tel voyage vers un tel but,