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très beaux, mais le fruit est médiocre. La plupart des fruits viennent dans les vignes et dans les jardins. Les orangers et les citronniers prospèrent dans les vallons pourvu qu’on les arrose libéralement. L’herbe croît à vue d’œil, à la moindre pluie ; mais les fourrages manquent souvent par suite de la sécheresse. L’introduction de la luzerne et du trèfle, qui a doublé l’avoir des fermiers, a presque détruit le miel exquis dont on exportait jadis de grandes quantités, notamment en Angleterre. Le vin est d’excellente qualité, mais il ne supporte point le voyage. Le cheval est un animal de luxe, c’est le bœuf qui laboure ou le mulet, très apprécié comme bête de somme. L’âne sert de monture au riche et partage les fatigues du pauvre. L’usage des charrettes, des chars à bancs, des tartanes et des voitures de toute espèce, à peu près inconnu il y a trente ans, est devenu général. L’exemple de l’Algérie a produit ce progrès, qui a eu pour effet d’améliorer les voies de communication et les grandes routes. Celle qui relie les deux points extrêmes de l’île traverse les cinq communes principales, qui sont, en allant de l’ouest à l’est : Ciudadela, Ferrerias, Mercadal, Alayor, Mahon.

La plus riche de ces communes, celle du contre, est aussi la plus insalubre, à cause de la configuration du sol et du mauvais régime des eaux. Le bourg est dans une vallée encaissée, marécageuse, au pied de la plus haute montagne de l’île, le mont Toro, ainsi nommé d’une légende en l’honneur d’une vierge presque noire, qui ne rappelle guère celle du cantique : Nigra sum, sed formosa. Son image est encore vénérée dans l’église de l’ancien couvent des religieux augustins, dont la haute terrasse sert aujourd’hui de sémaphore. C’est le point culminant d’un massif central. Tout près se dressait autrefois un formidable château-fort, dit de Sainte-Agathe, dont il ne reste que des ruines, et qui servit aux Maures de dernier refuge lors de la conquête définitive, vers la fin du XIIIe siècle. Les fièvres intermittentes, qu’on appelle paludéennes, sont endémiques dans cette région pittoresque, qui devient moins malsaine par le percement de nouvelles routes. L’eau des citernes est à peine potable, et l’eau de puits ne vaut rien. Ferrerias est le tout petit chef-lieu d’une petite commune, dont l’institution récente atteste la profonde vitalité de l’esprit municipal chez la race catalane. Il y a là une jolie église et une école primaire qui mérite d’être vue. L’instruction pénètre dans les moindres recoins d’un pays où l’on comptait, il n’y a pas quarante ans, les adultes qui savaient lire et écrire. — Alayor est une bonne petite ville, haut perchée sur un plateau très-élevé, qui lui a valu une réputation bien méritée de salubrité. Les étrangers l’ont souvent comparée à Montpellier pour son bon air, et à la Hollande