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phénicienne. L’antique coiffure des femmes, encore en usage parmi le peuple des villes et de la campagne, a été empruntée des juifs ou des Arabes. Nombre de monumens mégalithiques dont on s’obstine à faire honneur aux Celtes portent le cachet de l’Asie. La population de la plus grande des Baléares approche de 300,000 habitans, dont 60,000 environ sont groupés dans la capitale (La Ciotat) et ses faubourgs.

Minorque est à quelques lieues de Majorque : il faut dix heures pour aller de Palma à Mahon ; il en faut six seulement si l’on s’embarque à Alcudia, sur le courrier de Barcelone. Le trajet serait de moitié plus court en allant directement à Ciudadela, qui est l’ancienne capitale de Minorque. Cette agréable petite ville, qui a presque doublé d’étendue depuis que ses vieilles fortifications ont été démolies, est le siège d’un évêché, d’un grand séminaire, et la résidence de la noblesse. Son port minuscule, admirablement abrité, est une véritable miniature. Si petit qu’il soit, il a le très grand avantage d’être à proximité de Majorque et du continent. Il ne faut pas plus de dix heures pour se rendre de Ciudadela à Barcelone, tandis qu’il en faut seize ou dix-huit pour se rendre de Barcelone à Mahon. Ces deux villes rivales sont les plus anciennes de l’île ; l’une et l’autre d’origine carthaginoise, comme l’attestent les noms antiques de Jamno et Mago. Quel que soit le chemin que l’on suive pour passer de Majorque à Minorque, on ne perd jamais la terre de vue, le bras de mer qui sépare les deux îles n’ayant que quelques milles de largeur ; la traversée n’est pas toujours facile, les eaux de ce canal s’agitant au moindre vent. On connaît bien près de la moitié des côtes, quand on découvre l’îlot de l’Air qui a un beau phare et quelques habitations. Il se trouve sur la droite, presque en face du port Mahon, dans lequel on entre, en tournant à gauche, par un goulet assez étroit et quelque peu dangereux à cause de roches plates à fleur d’eau qui semblent en défendre l’entrée. Tout a été dit sur cet incomparable abri que la nature a merveilleusement disposé pour la sécurité des navigateurs. A droite, en entrant, la vue découvre au loin les fortifications du vaste plateau de la Mola, lesquelles remplaceront difficilement le vieux fort de Saint-Philippe, célèbre dans l’histoire et qui n’est plus qu’un souvenir. En avançant, on trouve du même côté l’immense lazaret, l’île de la Quarantaine, l’arsenal et cet hôpital isolé au milieu du port et qui fut si utile aux Français lors de la conquête de l’Algérie. La campagne montueuse, couverte de jolies maisons de plaisance, prolonge le cadre. Sur la gauche sont les faubourgs, aujourd’hui déserts, qui doublaient autrefois la population de Mahon, au temps d’une prospérité qu’on n’espère plus revoir. La ville,