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rappellent le culte de la Diane sanglante. La plupart de ces antiques proviennent des fouilles qui furent faites à la fin du siècle dernier, aux frais du prélat, sur le territoire d’Aricia, où la déesse avait un temple et un bois sacré. Les plus savans archéologues trouveraient à s’instruire en visitant ce beau musée de Raxà, où tous les étrangers vont en pèlerinage. Ce palais des arts, rempli de curiosités rares et précieuses, est adossé à la montagne. Du haut des jardins disposés en terrasses, la vue s’étend sur la plaine fertile, plantée d’oliviers et d’amandiers ; l’horizon est borné par deux gros villages à moitié cachés entre les collines, la ville haute et la mer. Admirable belvédère ! L’ascension est pénible, mais le panorama est d’une beauté ravissante. Pour les autres propriétés dignes d’être vues, pour les collections de livres et de monnaies, bref pour tout ce qu’il y a de curieux à Palma et aux environs, le voyageur peut prendre pour guide le livre utile de feu J.-M. Bover, laborieux sauvant qui a tant fait pour glorifier son île natale, qu’on peut lui pardonner en retour les imperfections qui déparent ses ouvrages. Ce qu’il ne faut pas oublier de visiter, c’est le cloître de l’ancien courent de Saint-François, qui menace ruine, et l’église de ce couvent, une des plus belles de l’ordre, et où se trouve le monument inachevé et magnifique du bienheureux Ramon Lull. Au-dessous du chœur, dans la belle rotonde qui est derrière le maître-autel, un vaste retable où sont représentés tous les princes et princesses de la maison d’Aragon appartenant à l’ordre des franciscains, est surmonté de cette inscription en grosses lettres majuscules :


ARMA BALEARICA, NON FUNDA, SED ARBALISTA FIDEI.


Hélas ! la fronde n’est pas moins démodée que cette arbalète de la foi qui jadis faisait merveille. Avant le fameux décret du 12 août 1835, Majorque comptait trente congrégations, dont quatorze à Palma. Aujourd’hui, il n’y a pas un moine dans toute l’Ile, et les communautés : de religieuses se trouvent réduites à un petit nombre. Le couvent des dominicains, le plus ancien de tous (1230) a été détruit de fond en comble en 1837, et sur le vaste emplacement qu’il occupait s’élève maintenant un cercle moderne (el circo Balear) dont les grandes salles et les salons dorés sont le refuge des oisifs. La tradition prétend que ce sont les descendans d’Israël qui ont démoli la maison des frères prêcheurs, en haine de l’inquisition, usant de représailles contre un ordre qui les avait persécutés avec acharnement. Quoi qu’il en soit, la suppression des moines inquisiteurs n’a point supprimé l’esprit de défiance et d’intolérance qui était l’esprit même du saint-office. Le vieux préjugé contre les juifs tient toujours bon. Il suffit d’être d’origine israélite pour se trouver