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fille chez son père, au moment de sa mort ; mais M. Bonnaffé[1] a trouvé la preuve du contraire dans les archives de La Trémoille. C’est à La Motte-Feuilly, en Berry, entre La Châtre et Château-Meillant, dans le petit fief qu’elle venait d’acheter, que Charlotte reçut la triste nouvelle. Vouée depuis longtemps déjà aux pratiques pieuses, elle prit le deuil, pour ne plus le quitter, et se consacra à sa fille Louise, née aux premiers jours de 1500, et à ses relations de profonde amitié avec Jeanne de France, femme divorcée de Louis XII, devenue duchesse de Berry, qui résidait à Bourges, où elle avait fondé le couvent de l’Annonciade. Veuve à vingt-cinq ans d’un mari qu’elle n’avait vu qu’une heure, la duchesse de Valentinois mourut, le 11 mars 1514, à l’âge de trente-deux ans. Par son testament, elle instituait sa fille Loyse « sa seule et universelle héritière » et ordonnait qu’on la remit aux mains de Louise de Savoie, Madame d’Angoulême, mère du roi François Ier. Trois années après, le 17 avril 1517, la fille de César Borgia épousait Louis II de la Trémoille, vicomte de Thouars et prince de Talmont, qui devait tomber sur le champ de bataille de Pavie. Elle se remaria, à l’âge de trente ans, à Philippe de Bourbon-Busset, fils aîné de Pierre de Bourbon.

César avait laissé en Italie deux enfans naturels dont on n’a jamais nommé la mère ; Lucrèce les recueillit à Ferrare : l’aîné, Girolamo, n’a pas laissé de trace ; l’autre, Lucrezia, prit l’habit et mourut, en 1573, abbesse de San Bernardino.

Les trois dernières années de la vie de César, qui remplissent une page chez ses historiens les plus consciencieux, pourraient fournir un volume sous le titre : César Borgia en Espagne ; ce travail aurait l’intérêt de compléter le portrait resté inachevé. On montrerait les dernières convulsions du Valentinois, sa résistance persistante aux coups du sort, son énergie insurmontable, et ses manœuvres, jusqu’ici restées ignorées, derrière les murs du château-fort de Medina del Campo. Les documens existent : les pièces du procès fait par le roi catholique à son geôlier, Gabriel de Japia ; les interrogatoires des complices de sa fuite, le rapport sur son itinéraire de La Mota jusqu’à Santander ; la mission de son majordome Requesens auprès de Louis XII, les lettres échangées entre le Valentinois et le roi Jean de Navarre ; enfin, le récit circonstancié de sa mort, et même le procès-verbal de l’exhumation de ses restes dans l’église de Viana, tout est encore inédit dans les dépôts d’archives de l’Espagne et de l’ancienne petite cour de Navarre. On prouverait ainsi que ces trois années, qui n’ont pas eu d’historien

  1. Inventaire de la duchesse de Valentinois. (Paris, Quantin, 1878.)