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D’ailleurs, il existe pour les musulmans bosniaques des difficultés spéciales. Ils doivent d’abord se familiariser avec les caractères arabes peu aisés à déchiffrer en manuscrit ; en second lieu, il leur faut aborder, dès le début, deux langues étrangères sans aucun rapport avec leur dialecte maternel, le croate, à savoir la langue religieuse, l’arabe, et la langue officielle, le turc. C’est à peu près comme si on demandait à nos enfans qu’ils sachent le grec, pour apprendre le catéchisme, et le celtique pour correspondre avec le maire. Dans les couvens de franciscains, il y avait des écoles, et les familles du voisinage pouvaient en profiter ; mais elles étaient peu nombreuses. Les orthodoxes ne trouvaient point d’enseignement dans leurs couvens, où régnait une sainte ignorance. Cependant grâce à des libéralités particulières et aux sacrifices des parens, il existait, à l’époque de l’occupation, 56 écoles du rite oriental et 54 du rite latin, comptant en tout 5,913 élèves des deux sexes.

Les commerçans du rite oriental avaient fait des sacrifices pour l’enseignement moyen. Ils entretenaient une école normale à Serajewo avec 240 élèves, et une autre à Mostar avec 180 élèves, et en outre, une école de filles dans chacune de ces deux villes. Grâce à un legs de 50,000 francs fait par le marchand Risto-Nikolitch Trozlitch, un gymnase avait été créé à Serajewo, où l’on apprenait même les langues anciennes. Aussitôt après l’occupation, l’administration autrichienne s’occupa de réorganiser l’instruction. Ce n’était pas chose facile, car le personnel enseignant faisait entièrement défaut. Elle maintint la loi turque de 1869 et se donna pour but de la mettre peu à peu en exécution. Elle s’efforça de multiplier les écoles non confessionnelles, où l’on confie aux ministres des cultes le soin de donner l’instruction religieuse en dehors des heures de classe. Il en existait, en 1883, 42 avec 59 instituteurs et institutrices, et chose extraordinaire en ce pays de haines confessionnelles, on y trouve réunis des élèves des différens cultes : 1,655 orthodoxes, 1,064 catholiques, 426 musulmans et 192 israélites. L’enseignement est gratuit. L’état donne 26,330 florins et les communes 17,961. L’instituteur reçoit 1,200 francs, plus une habitation et un jardin. D’une année à l’autre, le nombre des enfans mahométans acceptant l’instruction laïque a doublé, fait très digne de remarque. On demanda à l’armée des volontaires capables d’enseigner à lire et à écrire, en leur accordant des indemnités proportionnées aux résultats obtenus, d’après l’excellent principe en vigueur en Angleterre, de la rémunération à la tâche. La fréquentation sera rendue obligatoire aussitôt qu’il y aura un nombre suffisant d’écoles. A Serajewo furent établis successivement, d’abord un pensionnat où est donnée l’instruction moyenne, surtout pour les fils des fonctionnaires, puis un gymnase où sont enseignés les langues anciennes