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cinquantaine d’élèves appartenant aux diverses nationalités et aux différens cultes. On y remarque des Hongroises d’une beauté rare, des juives espagnoles aux yeux noirs et profonds, des Tchèques, des Polonaises et des Allemandes des diverses parties de l’empire. Les fonctionnaires et les indigènes qui veulent donner à leurs filles une instruction supérieure au degré primaire ne peuvent les placer qu’ici. L’archevêque nous engage ensuite à faire avec lui une ravissante promenade à pied pour voir, à une lieue de Serajewo, une ferme que les sœurs s’occupent à mettre en valeur. C’est un tchifjlik acheté à un musulman. Il mesure une vingtaine d’hectares. Au milieu du verger à prunes, l’ancienne habitation avec le haremlik et le selamlik, a été respectée, mais à côté a été bâti un joli chalet, avec d’excellentes écuries où sont déjà établies des vaches suisses qui donneront du lait et du beurre au couvent. La terre est bien sarclée, les chemins tracés, les fossés creusés, l’eau amenée d’une hauteur voisine pour les irrigations : c’est une transformation complète. Quel contraste avec l’incurie absolue des pauvres rayas toujours sous la coupe de leurs maîtres ! Nous rentrons par une ancienne route turque. Elle n’est destinée qu’aux bêtes de somme, mais elle est pavée de pierres si raboteuses et si inégales que même un cheval bosniaque risque de s’y casser les jambes. Aussi hommes et animaux préfèrent marcher à côté, à travers les fondrières. Quoiqu’on soit aux portes de la ville, le sol parait en grande partie inoccupé. Les cimetières, avec leurs stèles blancs, la plupart renversés, occupent de larges espaces.

J’achève ma soirée chez un capitaine dalmate, M. Domitchi, qui s’est beaucoup occupé de la géologie et de la minéralogie du pays. Il exploite, au pied du mont Inatch, une concession où l’on trouve, chose très rare, du mercure à l’état liquide ; il nous en montre des échantillons. D’après lui, le pays abonde en minerais de toute espèce. Au moyen âge, on a lavé de l’or dans les rivières. Près de Tuzla, des salines, appartenant au fisc, livrent une partie du sel consommé dans le pays. En 1883, elles ont donné une augmentation de bénéfice de 300,000 florins, ce qui prouve que la consommation du sel, et, par conséquent, le bien-être des populations, se sont notablement accrus. Près de Varès, on produit du fer excellent. Des bassins de lignite de bonne qualité existent près de Zenitcha, de Banjaluka, de Travnik, de Ronzicta et de Mostar ; on a recueilli aussi des minerais très riches de chrome, de cuivre, de manganèse, de plomb argentifère et d’antimoine. Une collection des minerais de la Bosnie a figuré à l’exposition universelle de Paris. L’état s’est réservé la propriété de toutes les mines. Mais une société anonyme s’est fondée, la Bosna, pour mettre à fruit les concessions obtenues.

Nous faisons une charmante promenade en voiture aux bains