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cependant, porte encore le titre, attaché à son diocèse depuis des siècles, d’évêque de Bosnie, Ephcopus Bosniensis. Mgr Stadler est le protégé de l’évêque d’Agram ; il est comme lui, dit-on, magyarophile, magyarischgesinnt. Une discussion récente montre à quel point les rivalités religieuses divisent ici les esprits. Une société, appelée Patriotisrher Hulfsverein fur Bosnien, s’était formée en Autriche pour soutenir, par des subsides, des œuvres catholiques à Serajewo. Ému de ce fait, le métropolitain du rite oriental a accusé l’archevêque Stadler de vouloir lui enlever des fidèles par des moyens répréhensibles. Ce dernier a répondu très vertement. Il a fallu que le représentant du souverain, M. de Kallay, fit entendre son Quos ego pour rétablir sinon la paix, du moins le silence. Il déclara en même temps que toutes les confessions pouvaient compter sur un appui égal de la part du gouvernement. Comme preuve, en effet, de cette impartiale bienveillance, on peut citer les faits suivans. Le gouvernement a fait bâtir à Keljewo, près de Serajewo, un grand séminaire pour les orthodoxes, où, chaque année, sont reçus douze jeunes lévites complètement entretenus aux frais de l’état. Il a adjoint au métropolitain un consistoire de quatre membres rétribués par l’état, et il pourvoit à l’entretien et à la reconstruction de leurs églises. Différens faits qui sont venus à ma connaissance me font croire qu’en effet l’occupation ne favorise pas la propagande catholique. Les Hongrois, à qui l’intolérance religieuse a fait tant de mal, seront moins disposés que Vienne à écouter les suggestions de l’ultramontanisme. Les catholiques ont, à Travnik, un séminaire avec huit classes d’enseignement moyen et quatre années de théologie[1].

Pour un archevêque qui a sous lui deux évêques suffragans, Mgr Stadler paraît bien peu âgé : quarante ans à peine. Il est gai, aimable, très spirituel, et leste en ses mouvemens comme un jeune homme. Il nous fait l’historique de la maison qu’il occupe, et son récit est instructif. Cette maison, très solidement construite en pierres, devait servir de magasin. Un juif l’avait achetée. Quand le gouvernement chercha une habitation pour le nouvel archevêque, le juif la lui offrit à un prix avantageux. Le gouvernement préféra la louer pour six ans, mais il fut entraîné à y faire pour 12,000 francs de dépenses qui retourneront au propriétaire, lequel demandera maintenant un loyer ou un prix de vente double ou triple, tout ayant considérablement augmenté de valeur à Serajewo depuis l’occupation. C’est le contraste habituel : imprévoyance des gouvernans ; prévoyance des Israélites ; récriminations contre les sémites. Pourquoi ? Parce qu’ils sont plus intelligens que les autres. L’archevêque

  1. Voir, dans la Revue du 1er juin, l’étude de M. Gabriel Charmes.