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nous étonnent. Je n’ai pas besoin de dire que, dans un discours prononcé en public et devant son église, l’évêque ne touche pas à certains scandales, tels que ceux que nous a fait connaître la lettre 4. Mais, en nous les rappelant, nous comprenons que la licence des habitudes peut expliquer la rigueur des prédications, et la passion avec laquelle l’orateur s’emporte contre des faiblesses qui ne nous paraissent pas toujours mériter tant de colère. Voilà, par exemple, comment il s’exprime au sujet de certains artifices : « Si un peintre, luttant contre la nature avec ses couleurs, représentait le visage, l’aspect, le caractère d’un corps humain et qu’une fois l’image parfaite et achevée, un autre y portât la main, prétendant refaire avec un art supérieur le dessin et la peinture originale, ce serait une injure à l’artiste et dont il s’indignerait justement. Et toi, tu t’imagines pouvoir hasarder impunément une hardiesse si téméraire et blesser un artiste qui est Dieu ! Quand tu ne serais pas impudique et souillé à l’égard des hommes par l’emploi d’un fard corrupteur, en altérant et profanant ce qui est de Dieu, tu t’engages dans une corruption pire que la débauche. Ce que tu appelles embellissement et parure, c’est un attentat contre une œuvre divine, c’est une trahison à l’égard de la vérité… Le Seigneur ton Dieu parle ainsi : Il n’est pas en toi de faire un de tes cheveux blanc ou noir (Matth., v, 36). Et toi, tu veux prévaloir contre la parole de Dieii ; tu y opposes une ardeur téméraire et un mépris sacrilège ; tu teins tes cheveux et, par un présage funeste de l’avenir, tu te fais par avance une chevelure de feu[1] ; tu pèches, chose abominable, en ta tête même, c’est-à-dire en la partie la plus noble de ta personne. »

Augustin, dans son livre de l’Enseignement chrétien (de Doctrina Christiana, 4, 21), cite ce passage comme un exemple de ce qu’il appelle le grand style, sublimis, dans l’éloquence de Cyprien. Il faut avouer que cette grandeur n’est pas celle de Démosthène ou de Cicéron.

Il en cite un autre, pris du même écrit, comme un exemple de style intermédiaire, temperatus, entre le style simple et le grand style. C’est le salut à ses vierges qui se trouve presque à l’entrée de son discours : « Maintenant, c’est aux vierges que je m’adresse ; car plus leur gloire est haute, plus il faut en prendre soin. Là est la fleur de la tige de l’église, le lustre et l’éclat des grâces de l’esprit, notre production la plus exquise, l’honneur et la dignité accomplissant leur œuvre suprême, une image de Dieu faisant comme

  1. Capillos flammeos, comme seront ceux des damnés dans le feu de l’enfer, c’est-à-dire qu’on donnait aux cheveux une teinture d’un blond ardent.