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respectables. Comment est-elle parvenue, en si peu de temps, à réaliser ce desideratum, vainement poursuivi par plus d’un peuple qui l’a précédée dans l’histoire ?

Certes, il faut tenir compte des richesses naturelles de son sol. Mais ces richesses sont loin d’avoir été mises en valeur d’une manière satisfaisante et complète. Son industrie a prospéré ; mais elle n’a pas encore acquis les développemens qu’elle est en droit d’espérer. On doit faire honneur avant tout de la situation actuelle au caractère italien, à sa modération native, à sa discipline, à son endurance. Peut-être en parlant ainsi choquerons-nous quelques préjugés ? Le nombre est grand, en France et ailleurs, des gens qui jugent l’Italie sur la foi des romans, n’attribuant à son peuple que le génie artistique et la violence des passions politiques. N’en déplaise à ces juges absolus, l’Italie n’est point passionnée, du moins en politique. Là est le secret, de son histoire pendant le dernier quart de siècle. L’Italie politique est menée, depuis 1854, par un groupe relativement restreint d’esprits modérés, calmes, instruits, résolus. La foule n’est pour rien dans son gouvernement ; elle n’y apporte que beaucoup de bonne volonté, de résignation aux épreuves et très peu de votes. Ce peuple s’est laissé guider par son élite, et, naturellement, il s’en est bien trouvé. Au nom d’une idée nationale assez mal définie, du moins dans l’esprit des masses, on lui a demandé quantité de sacrifices qu’il a consentis sans hésiter. Aujourd’hui, l’ère des sacrifices parait close. Le plus lourd et le plus odieux des impôts, la taxe sur la mouture, est aboli, et les ministres des finances ont la satisfaction de présenter aux chambres des budgets dont les ressources ordinaires suffisent à solder non-seulement les dépenses de même nature, mais encore les dépenses extraordinaires réclamées soit par les événemens, soit par la nécessité de perfectionner l’outillage national.

La situation des finances de l’Italie, telle que l’ont faite ces laborieuses années consacrées à une tâche qui dut paraître souvent bien ingrate à ceux qui l’avaient entreprise et qui s’y sont adonnés avec le plus remarquable esprit de suite et une infatigable énergie, apparaît, sobrement et lumineusement présentée, dans un discours prononcé, le 7 décembre dernier, devant la chambre des députés, par le ministre des finances, M. Magliani. Les mois qui se sont écoulés depuis la publication de cet exposé magistral n’ont rien enlevé à l’actualité et a la valeur des précieux renseignemens qu’il contient sur le passé et le présent des finances du royaume, sur le fort et le faible des résultats obtenus, sur les conditions essentielles auxquelles la prospérité acquise peut se maintenir et se consolider, sur les périls et sur les fautes qui pourraient la compromettre.

Le discours de M. Magliani n’a pas seulement rappelé aux Italiens