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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 août.

Depuis que la republique a reçu parmi nous le sceau des régimes établis, une constitution, une organisation légale dont l’efficacité et la durée ne cessent de dépendre de la sagesse des hommes, dix années sont passées ; dix années pendant lesquelles les républicains, ceux qui se croient et s’appellent les vrais républicains, ont à peu près régné et gouverné, accentuant de plus en plus leur domination, excluant par degrés les conservateurs de toutes nuances, puis les modérés de leur propre parti, pour rester maîtres et seuls maîtres des affaires de la France. Les républicains ont eu dans leurs mains la puissance de l’état, les faveurs administratives, le crédit et la fortune du pays. Ils ont rempli les ministères et les fonctions de tout ordre ; ils ont librement et souverainement régné dans trois législatures, disposant d’une majorité incontestée au Palais-Bourbon et bientôt au Luxembourg. Ils ont eu tout le temps de montrer ce qu’ils savaient et ce qu’ils pouvaient, de déployer dans les affaires extérieures comme dans les affaires intérieures de la France leurs talens, leurs lumières, la fécondité de leurs idées, toutes les ressources de leur esprit. Rien ne les a gênés dans leur expérience, ils ont eu le champ libre. Qu’ont-ils fait et que laissent-ils à faire ? C’est là précisément la question qui se reproduit d’une manière aussi pressante qu’inévitable toutes les fois que revient l’heure décisive des grandes consultations populaires.

Lorsqu’il y a quatre ans, à cette même saison de l’année, le scrutin allait s’ouvrir comme il va s’ouvrir bientôt pour le renouvellement de la chambre des députés, les partis dominans ne manquaient pas d’une certaine confiance mêlée de jactance et d’illusions ; M. Gambetta vivait