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se faire assurer, n’a pu triompher sur ce point de l’inertie des intéressés.

Aux termes d’une loi du 11 juillet 1868, tout individu qui verse à la caisse d’assurance en cas d’accident une cotisation annuelle variant de 3 francs à 8 francs, a droit, en cas d’incapacité de travail, à une pension viagère qui peut s’élever, suivant l’âge et le chiffre de la cotisation, de 150 à 624 francs. Avec un chiffre de cotisation aussi faible, une pension aussi élevée ne saurait être assurée aux cliens de la caisse, si l’état n’intervenait pour doubler le chiffre auquel chaque assuré aurait eu droit, d’après un calcul dont les données ne laissent pas d’être fort incertaines et aléatoires. Il est impossible de savoir jusqu’à quel chiffre de dépenses l’état se serait trouvé entraîné par la création de cette caisse si, tentés par ces avantages, les ouvriers avaient en grand nombre afflué à ses guichets. Mais c’est précisément le contraire qui est arrivé. Depuis sa création en 1869 jusqu’en 1882, c’est-à-dire en treize ans, la caisse n’avait reçu que 7,506 cotisations. En 1882, ces cotisations ne se sont élevées qu’à 1,654. Ces chiffres sont tout à fait dérisoires par rapport à la quantité considérable d’ouvriers employés dans des industries plus ou moins dangereuses. On peut dire que la création de cette caisse, un peu périlleuse peut-être pour l’état, mais très utile pour les classes ouvrières, a été un échec. A quoi tient cet échec ? En partie peut-être à la complication des formalités à remplir pour opérer un versement et surtout pour obtenir la liquidation d’une pension, mais principalement à ce que l’existence même de l’institution est inconnue de la grande masse des travailleurs. Il n’est même pas certain que tous les agens des finances ayant qualité pour recevoir les versemens en connaissent bien le mécanisme et les règlemens. Si une compagnie d’assurances parvenait à offrir de pareils avantages, elle ne manquerait pas d’attirer le public à ses guichets par une publicité incessante. L’état s’est borné à créer la caisse, puis il ne s’est plus occupé de ses destinées. Aussi un congrès régional d’ouvriers demandait-il, il n’y a pas longtemps, la création d’une caisse nationale qui assurât le travailleur contre les accidens, c’est-à-dire précisément ce qui existe. Ceux qui ont souci des finances de l’état peuvent se réjouir que l’institution ne soit pas plus connue ; à un autre point de vue, on pourrait souhaiter qu’elle le fût davantage. Mais je ne puis pas m’empêcher de faire remarquer, en passant, que des avantages qu’elle procure, il ne faut pas faire honneur à la mutualité, puisque la libéralité de l’état y entre pour moitié : la mutualité seule n’y suffirait pas, et ici encore nous aurions trouvé assez rapidement les limites de sa puissance. Arrivons maintenant