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baigner ses pieds délicats dans cette eau limpide et à les promener sur le sable qu’elle agitait, en riant, sous ses pas, sans pouvoir troubler la pureté de l’onde; le ruisseau semblait après cela rouler des paillettes d’or comme un nouveau Pactole.

Une fois sur la rive gauche du fleuve, ils suivirent l’Eridanos, tributaire de l’Ilissus, en remontant son cours dans la direction du mont Hymette, masse énorme obstruant le ciel, et qui de loin fait naître la vision d’un éléphant monstrueux couché au soleil, avec sa peau chauve et sillonnée de crevasses, qui reluit.

Les abeilles cependant récoltent encore leur miel incomparable sur cette montagne de la désolation. C’est qu’elles connaissent parmi ce chaos des gorges profondes qu’emplit le murmure d’une source, des oasis pleines de fleurs, d’ombre et de solitude, des jardins embaumés à l’abri du vent qui souffle de la mer, impénétrables aux fournaises qu’allume l’heure de midi.

Le sentier devenait montueux. L’Eridanos, resserré entre les parois de deux rives élevées, se hâtait en murmurant. Ses eaux, depuis la source, n’avaient rien perdu de leur fraîcheur sous le couvert d’arbousiers, de myrtes, de lauriers sauvages qui obstruent son lit. Ces arbustes empanachés de fleurs roses ou de fruits écarlates, semblent un fleuve de sang jailli du cœur de la terre et coulant entre les lèvres d’une blessure vermeille. Mais, quand le zéphyr, qui descend parfois de la montagne, agite, en y creusant des vagues, comme pour compléter l’illusion, la cime touffue des lauriers roses, une atmosphère saturée de parfums troublans inonde l’espace d’alentour.

Dans les pays lumineux que baignent les flots de la mer Egée, toute la nature sent bon. Chaque brin d’herbe que le voyageur écrase distraitement sous son pied, peuple la campagne de nouvelles senteurs. Sous les étreintes irrésistibles du soleil, leur amant, les fleurs et les plantes grasses se pâment au flanc des rochers dans des convulsions amoureuses ; leurs tiges gonflées éclatent ; la sève pleure par tous les pores des larmes odorantes.

Yani et Zoïtsa purent atteindre, avant la trop grande chaleur du jour, le but de leur promenade et se plonger le visage et les mains dans la source même de l’Eridanos ; je veux dire la célèbre fontaine qui jaillit au pied du monastère de Kœsariani.

Le bois qui l’environne reçut, dès les premiers âges, la faveur d’une visite céleste. C’est ici qu’Aurore, fille du soleil et de la rosée, dans cette vallée solitaire, vit pour la première fois le beau chasseur Céphale et lui dit sa passion, mais l’ingrat, indifférent à ses charmes, lui préféra Procris.

Ces lieux conservent encore, de nos jours, la vénération populaire,