Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 70.djvu/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Paris par M. Cacheux, ingénieur des arts et manufactures, à un point de vue un peu spécial il est vrai. M. Cacheux est un des fondateurs de la société immobilière de Passy-Auteuil, qui poursuit le but très louable d’améliorer les logemens des ouvriers à Paris, et de les amener en même temps à la propriété foncière en leur demandant pour les maisons qu’elle leur loue le paiement d’une annuité qui comprend le prix d’achat réparti sur vingt années. M. Cacheux a voulu se rendre compte combien sur 1,000 ménages dont le budget a été étudié par lui, il en trouverait qui pourraient payer l’annuité de 400 francs demandée par la société de Passy-Auteuil. « J’ai constaté, dit-il, avec regret, qu’il y en a bien peu réalisant des économies. » Sur ces 1,000 ménages, M. Cacheux a constaté, en effet, qu’il n’y en avait que 129 ayant un excédent annuel de recettes. Sur ces 129, M. Cacheux estime que 33 auraient pu, en joignant à la somme déboursée nécessairement pour leur loyer leurs économies annuelles, payer l’annuité de 400 francs par an ou plus. La moyenne des loyers étant de 250 à 300 francs, il faut compter que l’économie annuelle de ces 33 familles privilégiées était de 100 à 150 francs par an, ce qui en vingt ans ferait (non compris, il est vrai, les intérêts qui pourraient être accumulés) une somme de 2,500 à 3,000 fr. Les 96 autres familles économisaient moins de 100 francs par an ; enfin 871 n’économisaient rien du tout.

Au surplus, la statistique elle-même des caisses d’épargne nous donne, sur les chiffres auxquels l’épargne peut atteindre, des renseignemens intéressans qui ne représentent pas des moyennes, mais des données positives. Ce chiffre de 1,408,903,630 francs qui existait, au 31 décembre 1881, dans les caisses d’épargne, se répartit entre 4,199,228 livrets. Mais la répartition par tête est, comme on peut le penser, très inégale. La loi du 9 août 1881 a porté de 1,000 à 2,000 francs le maximum de la somme que les caisses d’épargne peuvent recevoir en dépôt. Mais le nombre des déposans dont le crédit est supérieur à 1,000 francs ne s’élève qu’à 466,211, soit environ 11 pour 100 du chiffre total. Le nombre des déposans ayant un crédit qui s’élève de 500 à 1,000 francs est de 792,556, soit environ 19 pour 100 du chiffre total. Au contraire, le chiffre des déposans dont le crédit est de 500 francs ou au-dessous, est de 2,940,461, soit 70 pour 100 du chiffre total. La très grande majorité des dépôts à la caisse d’épargne se compose donc de petites sommes, et c’est là, après tout ce que nous venons de constater, un résultat qui ne saurait surprendre beaucoup. Un assez grand nombre de ces livrets ne représente même que des sommes extrêmement faibles, à peine un petit pécule permettant à celui qui en est détenteur de résister pendant quelques jours à la maladie ou au chômage. « J’ai mangé toutes mes économies ! » Que