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en passant par Munich. La paix ne devait pas être conclue avec la France avant que les Pays-Bas fussent entièrement conquis et sans que le traité de paix stipulât qu’ils seraient remis et maintenus entre les mains de l’électeur, avec l’assentiment et au besoin avec le concours de l’électeur de Brandebourg, des états-généraux de Hollande et des puissances voisines ; 2° dans le cas où cette cession ne pourrait avoir lieu, l’électeur demandait qu’un équivalent territorial lui fût donné en proportion avec les services qu’il avait rendus contre les Turcs et des contingens qu’il avait fournis ou devait fournir ; 3° si cette condition aussi ne pouvait être remplie, l’électeur demandait, à la place du million qui lui avait été offert, les marquisats de Burgau et de Neubourg sur l’Inn ; 4° il demandait enfin un subside annuel de 300,000 florins pour un continrent de 8,000 hommes ou de 450,000 florins pour 12,000hommes, le tout jusqu’à ce que la succession d’Espagne fût ouverte.

Rien n’égale l’étonnement de Kaunitz en recevant cette pièce, ni sa feinte indignation. Oser accuser la maison d’Autriche d’ingratitude ! Oser douter de sa reconnaissance ! Quelle noirceur ! Contester les « avantages» que la Bavière avait retirés de son intervention en Hongrie ! Quel aveuglement ! Ne comptait-on pour rien la gloire immortelle que l’électeur s’était acquise, le « mérite » qu’il s’était donné devant Dieu, le pape, l’empereur, le saint-empire romain et toute la chrétienté? Du côté de l’Orient, l’électeur n’avait plus à craindre qu’un siège de Vienne vînt mettre ses états en danger ; du côté de l’Occident, même sécurité: l’empereur, délivré de la menace des Turcs, pourrait se consacrer à la défense de l’empire, et spécialement à la protection de la Bavière : il le ferait certainement dans l’occasion, sans demander de subsides... L’énumération de ces « avantages » ne paraît pas avoir convaincu Max-Emmanuel, mais, tout en insistant pour obtenir des résultats plus palpables, il consentit à ne pas attendre pour s’allier avec l’empereur que les Pays-Bas lui fussent remis : il lui suffisait que l’empereur s’engageât à entamer immédiatement la négociation avec l’Espagne et lui promît de lui faire sa part dans le règlement ultérieur de la succession d’Espagne.

Kaunitz était autorisé à accepter cette transaction; il y ajouta l’offre d’un million payé en cinq termes, contre un contingent de 8,000 hommes et un subside annuel de 200,000 florins, qui seraient réduits à 100,000 en temps de paix, jusqu’à ce que la succession d’Espagne fût ouverte et que l’empereur ou ses héritiers fussent mis en tranquille possession de la monarchie espagnole, selon l’ordre établi. Mais, comme condition préalable à l’entente sur ces bases, Kaunitz exigeait le renvoi immédiat de Villars.