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l’Électeur de remettre in integrum ses affaires bien troublées, à condition qu’il ne sortirait pas du pays... Votre Majesté peut juger par là tout le tort que la comtesse de Paar a fait à son service : car le voyage de Hongrie eût été le plus sûr, sinon le seul moyen de soustraire l’Électeur à l’influence française, de le remettre dans le bon chemin et de conduire à bonne fin les importantes affaires qui le concernent, lesquelles, après avoir été bien incaminata, sont aujourd’hui tout à fait incagliata. Je n’augure rien de bon des intentions qu’on lui prête de faire le voyage de Paris, ni du commerce qu’elle entretient avec des gens suspects, tels que le prince Egon de Fürstenberg... Lorsque la nouvelle de la maladie du duc de Lorraine parvint à Munich, l’Électeur s’était décidé à faire la campagne et m’en avait informé par son grand chambellan. Celui-ci m’avait à peine quitté, que la résolution était modifiée : on m’a assuré que, dans l’intervalle, des lettres avaient été échangées avec la comtesse de Paar par l’intermédiaire du comte,.. comme le jour où elle avait pris médecine et où dix-sept messages ont été signalés.


La lettre se termine par un long exposé des fatigues de Kaunitz et des raisons pour lesquelles il supplie l’empereur de lui confier une autre mission.

Cependant l’aide-de-camp était de retour, disant que le duc de Lorraine n’était qu’indisposé et serait bientôt en état de prendre son commandement. L’électeur maintient qu’il n’ira pas en Hongrie et défait ostensiblement ses équipages : Kaunitz, revenu à Munich, est éconduit et part pour Cologne, où l’appelle la mort de l’archevêque et la grave affaire de l’élection de son successeur. La cour de Vienne comprit qu’il n’y avait plus à hésiter : elle envoya à Munich le comte Strattmann lui-même avec la mission de donner à l’électeur toutes les satisfactions qu’il désirerait. L’électeur demanda le commandement en chef de l’armée, quel que fût l’état de santé du duc de Lorraine, et l’appareil nécessaire au siège de Belgrade. Strattmann accorda tout, mais exigea que Villars n’accompagnât pas l’électeur. Villars était depuis six mois la cause de toutes les difficultés; il avait fait échouer le mariage de la princesse avec le roi de Hongrie ; il avait inspiré toutes les résistances de l’électeur : l’empereur ne souffrirait pas sa présence sur son territoire.

Max-Emmanuel, au comble de ses vœux, sacrifia sans hésiter son compagnon de guerre et de plaisir ; il voulut au moins lui laisser ses illusions et, avant de partir pour Vienne, il lui remit deux lettres autographes pour Louis XIV : la première, qui s’est conservée, est l’exposé des circonstances qui lui faisaient un devoir d’accepter le commandement de l’armée impériale et l’obligeaient à éloigner momentanément Villars de sa personne ; elle se terminait par les assurances