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au roi, » mais il en dit assez pour que Villars pût croire qu’on lui avait promis les Pays-Bas espagnols ou le royaume de Naples. Cette promesse était imaginaire, et Max-Emmanuel la supposait pour stimuler la France; nous n’en avons trouvé la trace ni dans les Archives de Vienne ni dans celles de Munich[1]. Le roi reçut avec hauteur ces insinuations.


L’espérance qu’on donne à l’Électeur de quelque part à la succession d’Espagne, écrit-il à Villars, n’est qu’un amusement,.. une chimère pour fasciner ses yeux... Il peut bien juger que ce serait une forte entreprise pour un Duc de Bavière et pour qui que ce puisse être, de vouloir ôter à mon fils ce qui lui doit appartenir légitimement... Pour peu qu’il soit informé de l’état présent de ce qui reste aux Espagnols dans les Pays-Bas, il jugera facilement qu’on ne lui en offre le gouvernement souverain que parce qu’il est impossible à la couronne d’Espagne de le pouvoir conserver dans la première guerre qu’elle aura avec moi, et que la perte en étant infaillible, soit sous un gouvernement espagnol, soit sous celui d’un prince étranger, elle aime mieux en rejeter le blâme sur lui et me mettre dans une nécessité absolue d’employer mes principales forces tant pour empêcher son passage dans les Flandres que pour attaquer ses propres états,.. qu’il risquera de perdre pour courir après l’ombre d’une souveraineté qu’elle ne peut plus défendre et dont tant de puissances unies contre moi ne pouvaient plus empêcher la perte entière, si je n’eusse voulu mettre des bornes à mes conquêtes par la paix de Nimègue. Enfin, il fera tout ce qui peut plaire à l’Empereur, mais il ne peut pas espérer que toutes les forces de la maison d’Autriche et de ses alliés soient capables de le rendre paisible possesseur de ce qui reste encore à l’Espagne dans les Pays-Bas... Il ne doit pas mieux espérer aussi des offres que lui peut faire la cour de Vienne d’une cession du royaume de Naples et de Sicile en cas de mort du Roi catholique; car, outre qu’elle n’y aurait aucun droit, il sait bien que l’Empereur ne peut pas avoir d’armée navale et que les miennes seront toujours en état de maintenir le droit de mon fils et de donner la loi dans toute la mer Méditerranée. Ainsi, il n’y a que moi qui puisse mettre dans une possession légitime et paisible de tous ces royaumes, si le roi d’Espagne venait à manquer.

  1. On peut même déduire de certains documens, conservés dans ces deux dépôts, la preuve que la promesse ne fut pas faite : le 18 décembre 1688, lorsque l’électeur négociait avec Kaunitz les conditions de son alliance avec l’empire contre la France, il demanda la cession des Pays-Bas; Kaunitz repoussa cette demande comme exorbitante et en ajourna l’examen à la mort du roi d’Espagne : son gouvernement ne l’avait donc pas offerte. De fait, toutes ces négociations se terminèrent par la nomination de l’électeur au gouvernement (statthalterei) de ces provinces, en 1692.