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révélé maint détail peu connu et nous permettront peut-être de donner à cette étude un certain intérêt de nouveauté.

C’est au retour de sa première mission en Bavière que Villars reçut les témoignages flatteurs que nous avons cités plus haut : mission tout officieuse et qu’il s’était pour ainsi dire donnée à lui-même. Son mandat officiel était des plus modestes : il consistait à porter à l’empereur Léopold une lettre de condoléance que Louis XIV avait écrite à son beau-frère à l’occasion de la mort de sa mère, l’impératrice Marie-Anne. En revenant de Vienne, Villars devait s’arrêter à Munich pour remettre à l’électeur Max-Emmanuel une lettre de sa sœur, la dauphine de France. Tout en s’acquittant de ce message de famille, il avait ordre d’entretenir l’électeur, de chercher à se rendre compte de ses intentions et de ses espérances. Louis XIV avait des vues sur la Bavière ; il voulait l’opposer à la maison d’Autriche, il désirait s’en faire une alliée pour les guerres de l’avenir ; il lui importait donc d’être exactement renseigné sur les dispositions de son jeune souverain ; le rapide voyage de Villars lui offrait une occasion favorable pour recueillir quelques informations et planter quelques jalons ; c’était tout ce qu’il espérait pour le moment de la diplomatie d’un jeune colonel de cavalerie : le savoir-faire de Villars fit sortir de ce programme limité une mission de deux ans et des négociations en règle.

Arrivé à Vienne à la fin de février 1687, Villars eut accompli en quelques jours les devoirs officiels qui l’y amenaient. Quand, cette première partie de son mandat terminée, il s’informa de l’électeur de Bavière, il apprit que Max-Emmanuel n’était pas à Munich et ne paraissait pas pressé d’y retourner. Il était allé passer le carnaval à Venise, en compagnie d’Eugène de Savoie. Pendant que « le petit abbé » se préparait à faire payer cher à Louis XIV ses dédains en visitant des soldats, des forts et des arsenaux, l’électeur courait les plaisirs faciles de la ville élégante, perdant au jeu la solde de ses troupes, oubliant ses devoirs de souverain dans un tourbillon de fêtes et de galanterie. De Venise il devait venir à Vienne, où l’attirait la belle comtesse de Kaunitz, qui avait pris sur lui une influence très favorable aux desseins de la cour impériale. Villars l’attendit, utilisant son séjour dans la capitale de l’empire en étudiant, lui aussi, les ressources militaires de l’armée qu’il était destiné à combattre et nouant, sans oublier ses plaisirs, des relations qui devaient servir un jour à ses missions diplomatiques.

Max-Emmanuel arriva le 16 mars. C’était un beau jeune homme de vingt-cinq ans, que sa bravoure exceptionnelle avait entouré d’une brillante et précoce auréole : au siège de Vienne, aux assauts de Bude et de Gran, il s’était couvert de gloire ; son courage était