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peut pas évidemment admettre qu’un duché allemand ait pour souverain un prince ennemi qui n’a cessé de protester contre les èvénemens de 1866, qui ne peut rêver que la restauration de la maison de Hanovre, la résurrection de l’ancienne Allemagne. Aux yeux du chancelier, le duc de Cumberland, avec la maison dont il est le chef est toujours un belligérant ; ses déclarations récentes comme ses déclarations anciennes sont un acte perpétuel d’hostilité. C’est ce qu’on appelle en Allemagne, par un précieux euphémisme, « l’état de guerre par intention. » On ne conteste pas directement, à la rigueur, les droits légitimes du duc de Cumberland à la succession de Brunswick ; on prétend que son avènement à la couronne mettrait en danger la paix intérieure de l’empire ; et comme un article de la constitution dispose que toutes les questions de paix intérieure doivent être soumises au Bundesrath, M. de Bismarck, en scrupuleux gardien de la constitution, s’est adressé au Bundesrath ; il lui a proposé de décider que « le gouvernement du duc de Cumberland dans le Brunswick serait incompatible avec la paix intérieure et la sécurité de l’empire. » M. de Bismarck a-t-il fait tout ce qu’il a voulu ? Au fond, avec sa manière peu gênante de comprendre les droits des dynasties et le principe monarchique, il voulait évidemment en finir une bonne fois en faisant consacrer la dépossession définitive et irrévocable de la maison de Hanovre exclue du Brunswick comme de son ancien royaume. Malheureusement le chancelier a trouvé des contradicteurs parmi les princes confédérés, qui se sont émus de cette application nouvelle de la raison d’état, de cette façon un peu leste de traiter les légitimités et les dynasties, sous prétexte de garantir l’unité et la sécurité de l’empire. Le vieil empereur Guillaume a eu peut-être lui-même ses scrupules, en sa qualité de vieux champion de la légitimité, ou du moins il n’a pas pu rester tout à fait insensible aux réclamations des princes menacés ou diminués dans leurs droits de souveraineté.

Bref, il a fallu négocier avec les cours récalcitrantes en même temps qu’on mettait en mouvement la diète brunswickoise et le conseil fédéral. Il en est résulté un compromis qui consiste tout simplement à frapper d’une exclusion personnelle le duc de Cumberland pour son attitude d’hostilité et de protestation contre l’empire, sans mettre néanmoins en question les titres de la dynastie qui pourraient revivre dans des circonstances nouvelles. C’est ce qui a été fait. Par une particularité curieuse de plus, un prince anglais, le duc de Cambridge, de la vieille race de Hanovre, s’est cru obligé de faire valoir ses droits héréditaires à défaut du duc de Cumberland ; mais le duc de Cambridge a sûrement peu de chances d’être écouté, le duc de Cumberland reste écarté ; et la question se réduit aujourd’hui à désigner pour le duché de Brunswick un régent, une façon de souverain qui sera probable-