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arrive de Trilport. Le corps de Marmont s’établit à la droite de la ville, le corps de Mortier à la gauche. Les Russes, renonçant à l’attaque, bivouaquèrent sur les hauteurs qui dominent Meaux au sud. Toute la nuit on vit leurs feux; le lendemain, 28 février, ces troupes avaient disparu.

Blücher, n’osant pas forcer le passage de la Marne sous le tir convergent des deux maréchaux, avait combiné un autre mouvement qui consistait à traverser la rivière à La Ferté-sous-Jouarre, où ne se trouvait plus un seul Français, et dont le pont n’avait pas été détruit. L’armée de Silésie s’avancerait ensuite jusqu’à Lizy-sur-Ourcq ; et, le passage de l’Ourcq effectué sur ce point, elle viendrait prendre à revers les Français restés devant Meaux. La brusque disparition des Russes et l’examen de la carte révélèrent à Marmont le plan de Blücher. Sans différer il quitta sa position de Meaux et se porta sur Lizy-sur-Ourcq. Mais le corps de Kleist, tête de colonne de l’armée de Silésie, avait déjà franchi l’Ourcq et s’était solidement établi à Gué-à-Tresme, derrière la Thérouanne. Kleist comptait résister là aux Français, ou du moins les arrêter assez longtemps pour permettre au gros de l’armée d’arriver au bord de l’Ourcq et de passer cette rivière sans coup férir. Mortier avait suivi Marmont. Les deux maréchaux se décidèrent à attaquer Kleist, quel que fût l’avantage de sa position et bien que le jour commençât de tomber. Une division de la vieille garde, commandée par le général Christiani, s’élance à l’attaque ; Marmont, avec tout ce qu’il a d’infanterie, appuie le mouvement. Après une heure d’un furieux combat, les Prussiens plient de tous côtés et se retirent à plus de huit kilomètres en arrière, par la route de La Ferté-Milon. La nuit était venue, et Mortier était d’avis de s’arrêter jusqu’au lendemain sur la position conquise. Mais Marmont, stratégiste plus sagace, représenta au duc de Trévise que leur succès serait sans effet s’ils n’occupaient point avant le jour la rive droite de l’Ourcq, qu’il fallait défendre coûte que coûte. Après quelques instans de repos donnés aux troupes, on se remit en mouvement. Une petite marche de nuit porta Mortier à Lizy-sur-Ourcq. Marmont s’avança un peu plus loin, au-dessus du village de May, que Kleist, restant toujours sur la rive droite de l’Ourcq, avait dépassé dans sa rapide retraite.

Le lendemain, 1er mars, Blücher dont toute l’armée était arrivée au bord de l’Ourcq, prit ses dispositions pour passer cette rivière qui lui barrait la route de Paris. Ardent comme l’était le feld-maréchal, son esprit ne pouvait concevoir, sa vanité ne pouvait souffrir qu’une poignée de Français s’avisât de disputer le passage d’un méchant ruisseau à une armée de 48,000 hommes qu’il commandait en