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plus grandes encore dans l’avenir, n’a pas trouvé au début d’une campagne emploi à plus de 700,000 hommes de chaque côté.

Ce n’est, pas à dire que toutes les armes doivent comprendre deux catégories de soldats voués à un temps de service différent. Il faut que les moins bons soient instruits, et il y a, on l’a vu, des armes où l’instruction ne dure pas moins de cinq ans. Dans l’artillerie, dans la cavalerie, les hommes avant ce délai n’auraient pas acquis une connaissance complète de leurs devoirs, et même mêlés à des troupes faites, même animés de la meilleure volonté, seraient pour ces troupes une cause d’affaiblissement. D’ailleurs quand on considère le rôle des armes spéciales, on reconnaît qu’il leur faut une qualité supérieure. L’artillerie a vu son importance grandir dans ce siècle à chaque guerre[1]. Elle prépare l’action, elle couvre la retraite, elle exerce sur les forces qu’elle combat ou qu’elle soutient une influence morale supérieure à son efficacité matérielle. Rendre cette arme parfaite, c’est rendre meilleures toutes les autres. Pour la cavalerie, c’est elle qui prend le contact de l’ennemi, recueille les informations d’où peut dépendre tout le succès, livre les premiers engagemens ; chacun de ceux qui la composent peut être employé isolément à des incursions qui exigent dans l’homme des facultés multiples et l’entière possession du métier[2] ; enfin, en France, où la cavalerie est moins nombreuse que dans les principales armées de l’Europe, elle doit être tout entière prête à couvrir contre les tentatives de la cavalerie ennemie la mobilisation et la concentration des troupes. Il importe donc de porter ces armes au plus haut degré de puissance, et, pour cela, de n’y introduire que des élémens éprouvés par le service de cinq ans. Si les armes spéciales n’ont que des soldats de cinq ans, l’infanterie recevra plus que son tiers en soldats de six mois. Mais elle les peut employer utilement. Nulle part les troupes de remplacement ne sont si indispensables, parce que nulle part les marches et le feu ne font autant de vides. Des soldats de six mois les combleront. Ils ont les connaissances indispensables ; il leur manque, il est vrai, l’esprit militaire, mais les soldats de cinq ans le possèdent, et comme dans l’infanterie les hommes n’opèrent jamais isolés, les nouveau-venus se formeront en agissant sous le regard de leurs anciens. Le mélange des uns et des autres formera un ensemble solide tant que les soldats de cinq ans l’emporteront en nombre sur ceux de six mois.

Que l’on cherche les meilleurs moyens de donner soit

  1. « Il faut d’autant plus d’artillerie à une troupe qu’elle est moins bonne. » (Napoléon, Correspondance, 15678).
  2. « La tactique… est plus nécessaire à la cavalerie qu’à l’infanterie. » (Napoléon, Mém., VIII).