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roi des Burgondes, est vaincu ; l’arien Alaric, roi des Wisigoths, est vaincu et tué ; car il déplaisait à Clovis que ce misérable hérétique possédât la plus belle partie des Gaules. « Marchons, avait-il dit, avec l’aide de Dieu ! » Et Dieu lui-même avait conduit sa marche victorieuse : de grandes lueurs rayonnant du sommet des cathédrales avaient éclairé la nuit, et, un jour que l’armée hésitait devant une rivière débordée, une biche l’avait conduite à travers un gué. Au retour, le vainqueur est salué par des messagers de l’empereur qui lui apportent les insignes proconsulaires ; il les revêt, se couronne du diadème, monte à cheval, et jette au peuple qui l’acclame, de l’argent à poignées. Décoré des hautes puissances du ciel et de la terre, il rentre dans sa capitale, où il meurt, après quelques années de paix, glorieux comme un vainqueur et comme un saint. Il est le premier des grands rois de France, et son nom brille à côté de ceux de Charlemagne, de saint Louis et de Louis XIV.

C’est ainsi que la légende dessine en quelques traits lumineux la vie d’un personnage, mais l’histoire n’a point cette poésie ni cette simplicité. Pour elle, le peuple des Francs n’est ni plus libre ni plus fier que les autres peuples. Répandu de la Somme au Rhin, il est divisé en petites communautés dont chacune a son roi. Une des familles royales s’est élevée au-dessus des autres par la faveur des Romains, car Childéric, le père de Clovis, était au service de Rome, et on l’a retrouvé, au XVIIe siècle, couché dans son tombeau de Tournay, revêtu d’une tunique brodée de perles et d’une dalmatique de soie pourpre, parsemée d’abeilles d’or et attachée sur la poitrine par une fibule d’or ; au doigt du squelette, un anneau d’or portait cette inscription : Childericus rex. Ces rois étaient donc des serviteurs, comme ceux des Wisigoths et des Burgondes. Quand l’empire u disparu, les serviteurs s’affranchissent ; le fils de l’officier romain Childéric est un tout petit roi et un simple chef de bande ; mais sa victoire sur Syagrius le met hors de pair parmi les rois du Nord. Les relations que le voisinage établit entre lui et le plus grand des évêques de la Gaule amènent sa conversion, à laquelle il se résout assez tard, et non sans inquiétude, à ce qu’il semble ; mais le profit qu’il retire de sa qualité d’orthodoxe est trop clair pour qu’il n’ait pas compris qu’il avait été bien inspiré. Si barbare que l’on soit, on aime le parfum de l’encens fumant au seuil des cathédrales, et l’on accueille avec plaisir la promesse d’une grande prospérité en ce monde et dans l’autre. D’ailleurs, il ne serait pas vrai de dire que les évêques aient conduit Clovis ; il y a eu accord entre eux et lui : lui, faisait son métier d’homme de guerre, bataillait et pillait, un peu au hasard, sans l’esprit de suite que donne une politique préméditée, une année en Burgondie, une