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haut prix ce qu’ils recevaient du prince que ce qu’ils avaient hérité de leurs ancêtres. »

Plus encore que les Wisigoths et les Burgondes, les Ostrogoths sont un peuple impérial. Après avoir été incorporés de force au service des Huns, où ils demeurèrent quatre-vingts ans, ils se présentèrent à la frontière danubienne, comme avaient fait les Wisigoths trois quarts de siècle auparavant. Ils pouvaient prendre de force des terres, mais « ris aimèrent mieux en demander à l’empire romain. » Quand l’empereur les leur eut données, ils en exigèrent de meilleures et ravagèrent plusieurs provinces ; après quoi, ils crièrent famine. Ils étaient sans vivres et sans argent quand l’empereur les envoya en Italie, ou du moins leur permit d’y passer. Théodoric, leur roi, après qu’il eut vaincu et dépossédé Odoacre, laissa la statue impériale debout sur le forum romain, grava l’effigie impériale sur les monnaies, écrivit le nom impérial sur les monumens restaurés par lui et fit confirmer par l’empereur les consuls de Rome. Bien qu’il se considérât tout à la fois comme le roi de son peuple et comme une sorte de collègue de l’empereur, il n’osa jamais dire ouvertement son opinion sur le caractère de l’office dont il était revêtu ; il n’en obtint jamais de Constantinople la définition, et il professa jusqu’au dernier jour le plus profond respect pour la « très pieuse sérénité » impériale.

Les barbares n’étaient donc ni des étrangers ni des ennemi pour la population romaine. Ajoutez qu’ils l’ont gouvernée de leur mieux. A étudier le gouvernement de Théodoric, il semble qu’il n’y ait rien de changé dans la péninsule et qu’il s’y trouve seulement quelques Romains de plus. Le sénat, les magistratures, l’administration, les écoles, les monumens demeurent debout, ou sont relevés. L’Italie romaine, aux mains des Ostrogoths, est une ruine en réparation. Les barbares n’ont aucun privilège dans cet état dont leur roi est le chef, et la politique de Théodoric est de faire vivre en paix, sous la même loi, les Goths et les Romains, de façon qu’il ne soit plus possible un jour de distinguer les uns des autres. Les Burgondes et les Wisigoths étaient plus éloignés de Constantinople ; la Gaule, leur nouvelle patrie, était terre romaine, il est vrai, mais elle n’avait pas été le berceau de l’empire et l’on n’y trouvait ni le sénat, ni les consuls, ni le forum, ni le rocher immobile du Capitule ; aussi ne furent-ils point des imitateurs si exacts des choses impériales. Ils ne cherchèrent point à fondre les deux peuples en un seul. Les Wisigoths ont suivi cette procédure remarquable : ils ont écrit leur loi, et en même temps codifié une loi romaine appropriée à la situation nouvelle et aux circonstances où l’on vivait. Tout le droit ordinaire a passé du code théodosien dans le code d’Alaric ; mais nombre de titres du code théodosien sont