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causés aux négocians anglais par les troubles et les révolutions dont le retour était périodique, donnaient à tout moment, à l’Angleterre, quelque occasion de s’immiscer dans les affaires de ces petites républiques. Les États-Unis surveillaient avec une inquiète jalousie ce développement de l’influence anglaise : ils appréhendaient que l’Angleterre ne profitât des griefs qu’elle avait continuellement à faire valoir, pour exiger des cessions de territoire ou se faire accorder des privilèges commerciaux. De son côté, l’Angleterre redoutait que le gouvernement américain, qui venait d’enlever le Texas au Mexique sous les prétextes les plus frivoles, ne se laissât entraîner par les partisans de l’esclavage à de nouvelles conquêtes dans l’Amérique centrale. Des négociations s’ouvrirent entre les deux gouvernemens pour régler, de commun accord, les rapports qu’ils entretiendraient avec les états riverains du golfe du Mexique : tel fut l’objet réel de la convention du 19 avril 1850, qu’on appelle communément le traité Clayton-Bulwer, du nom des deux négociateurs.

Le prétexte des négociations fut l’étude qui venait d’être faite par des ingénieurs français d’un projet de canal interocéanique à travers le Nicaragua. Aussi le préambule donne-t-il pour cause à la convention le désir éprouvé par les deux parties contractantes : « d’exposer et de fixer dans une convention leurs vues et leurs intentions relativement aux voies de communication, par canal de navigation, qui peuvent être établies entre les océans Atlantique et Pacifique, de la rivière San-Juan de Nicaragua et de l’un des lacs de Nicaragua ou de Managua, ou même de tous deux à tout port ou toute localité sur l’Océan-Pacifique. » M. Clayton, qui était alors secrétaire d’état sous le président Taylor, mit toute son habileté à rechercher et à prévoir les diverses formes sous lesquelles une action ou une influence quelconque pouvaient être exercées sur quelqu’un des états de l’Amérique centrale et il s’attacha à stipuler minutieusement pour les deux puissances les mêmes restrictions et la plus complète égalité de traitement. Aucune des deux puissances ne pouvait se faire attribuer des avantages commerciaux qui ne fussent immédiatement acquis à l’autre : aucune des deux ne pouvait, à l’exclusion de l’autre, faire des acquisitions territoriales ou exercer un protectorat dans l’Amérique centrale. Toute la pensée et toute l’importance du traité se trouvent dans les articles 1 et 8. L’article 1er est ainsi conçu : « Les gouvernemens des États-Unis et de la Grande-Bretagne déclarent, par le présent acte, que ni l’un ni l’autre ne cherchera à obtenir et à maintenir pour lui seul un contrôle exclusif sur ledit canal de navigation ; qu’aucun des deux n’élèvera et ne maintiendra aucunes fortifications dominant ledit canal ou